Seconde collaboration entre le folksinger vétéran de Seattle et le multi-instrumentiste prodige de l’Oregon, Richard Swift. Et un nouveau petit bijou de folk urbain.


Les étoiles étaient alignées le jour où Damien Jurado et Richard Swift ont décidé de croiser leurs chemins. Un petit miracle s’est produit en 2010 avec Saint Bartlett, dixième album solo de Jurado, resplendissant de lumière. Unanimement saluée, la folk enchanteresse de Saint Bartlett a ainsi donné un nouveau coup de projecteur à ces deux noms encore trop confidentiels du label Secretly Canadian.

Quelque part, la rencontre entre le vieux loup solitaire de Seattle et le multi-instrumentiste échevelé de l’Oregon, tombait à point nommé. Si la carrière de producteur de M. Swift a pris récemment une côte exponentielle, du reste, leurs récents albums solo respectifs même si remarquables, devenaient un peu routiniers dans leur forme.
Damien Jurado a lui-même bien conscience de cette alchimie fructueuse. Lui qui avait l’habitude de ne pas enregistrer ses albums deux fois de suite avec les même musiciens vient donc de faire une exception à la règle (ajoutons au compte deux mini-albums de reprises lo-fi enregistrés ensemble et gracieusement disponibles en téléchargement).

Si la balance artistique penche obligatoirement pour le folkeux vétéran – c’est tout de même son disque – on ne peut négliger l’apport de Richard Swift, producteur et arrangeur à la patte immédiatement identifiable. Il est revigorant d’entendre combien les deux musiciens s’harmonisent, voire se complètent idéalement : à Jurado de livrer ses folksongs confondantes de beauté nue, à Swift de vernir ensuite avec sa touche garage pop sixties, baroque et élégamment barrée. L’empreinte de ce dernier se fait encore plus présente sur Maraqopa où flotte en surface un petit parfum d’expérimentation acidulé.

Cette sensibilité pop inédite se transforme sur Maraqopa en petit laboratoire d’investigation où les trouvailles fusent à chaque mesure : l’insolite « Life Away From The Garden » accompagné par des chants d’écoliers, « Museum of Flight » et « Reel to Reel » et ses claviers somnambules étranges… Peut-être de ce fait manque-t-il à Marapoqa une accroche mémorable de l’ampleur de « Cloudy Shoes » sur Saint Bartlett. De son côté, Damien Jurado en père de famille apaisé, chante les moments heureux. Il cherche de nouvelles perspectives à sa belle voix brimée, celle-ci variant selon les courbes mélodiques inhabituelles imposée par son producteur zélé. L’impressionnante entrée en matière du disque – la folk brumeuse et dense de « Nothing is the News » emporté dans une spirale de ballets jazzy, est encore une superbe tentative de déstabilisation pour Jurado, relevée avec brio.

Et si désormais le folker de Seattle ne chante plus son cœur en miettes, il ne peut encore s’empêcher d’en recoller quelques morceaux sur le mélancolique « This time next year », tamisé d’un mellotron poignant et d’une flûte traversière. On assiste enfin à un nouveau pinacle, le splendide « Working Title » qui concourt au titre de la plus belle balade hivernale.

Aux yeux et surtout aux oreilles de cette seconde rencontre au sommet, on signerait les yeux fermés pour une troisième saison. Mais si cette collaboration devait en rester là, Saint Bartlett et Marapoqa ont déjà assuré leur place pour la postérité.

Damien Jurado « Nothing is the News » sur Viméo :