Treizième volume cosmique de l’égocentrique Anton Newcombe, enregistré à Berlin. Plutôt un bon cru.


Anton Newcombe n’est jamais aussi affable que lorsqu’il explique à quel point il a du génie. Il s’aime, et il aime ça. Il n’a pas vraiment besoin de le dire, tant on peut lire dans ses yeux que le garçon est sûr de lui, persuadé (peut être à raison?) d’avoir une mission: être LE représentant du rock Sixties de notre époque. Manque de pot, depuis
les débuts chaotiques des Brian Jonestown Massacre dans les années 90 – formidablement décrit dans le documentaire Dig! – nombre de groupes ont fait leur fond de commerce du « rock vintage », laissant du coup les BJM là ou on les avait laissé : un groupe underground, culte, et qui a su préserver une base de fans acquise à ses débuts. Mais un groupe qui, malgré une reconnaissance d’une partie de la critique internationale, n’a jamais vraiment explosé. Choix de son leader ou pas, les BJM ont régulièrement donné l’impression de tourner en rond ces dernières années, bien qu’en constante recherche d’innovation. Who killed sergent pepper (2010) illustre parfaitement ce paradoxe (même s’il peut nous arriver de fredonner « Let’s go fucking mental » avant chaque hypothétique pétage de plomb en public) : une prise de risques certes, mais qui laisse un gout d’inachevé.

Du coup, Anton Newcombe s’est trouvé une nouvelle mission. Il restera dans le psychédélisme et les années 60, mais il ira plus loin, plus haut. Il élargit la cible. Spirituellement, en teintant son rock de plus de psychédélisme, façon Beatles période « Within’ You, Without You », et, hum… physiquement, en voulant créer un album à envoyer dans l’espace, façon Plaque de Pioneer (ça tombe bien, c’est la pochette de l’album), voir si quelqu’un, plus loin, finira par comprendre son putain de génie.

Haufhebenreconstruire sur le chaos», jamais lu un mot allemand aussi court pour décrire une idée en français), cet opus cosmique donc, est un emballant mélange des meilleures années des BJM, les Sixties actualisées et cuisinées à l’orientale, un esprit rock innovant et allégrement parfumé au… chanvre (il est censé avoir arrêté les drogues). L’intro, « Panic in Babylon », ferait danser la Zumba à un groupe de moines Tibétains en lévitation alors que « The Clouds Are Lies » et « I Want To Hold Your Other Hand » nous ramènent dans la période Sixties actualisée des Nineties du BJM (« Nom de Zeus! » aurait dit le Doc), tandis qu’un sitar et une flûte traversière sur « Face Down to The Moon » nous invitent au voyage sur les pas de Ravi Shankar. Tous les titres ne se valent pas, mais tous participent à la cohérence de l’album, qui démontre la capacité d’Anton Newcombe à innover, rassembler les époques (quelques passages Eighties sont même de la fête) en gardant son style: on reconnait les BJM sur tout l’album. La production est toujours assez moyenne, mais participe de leur esprit underground : on ne parle pas de Pop ici, mais bien d’un bon vieux rock, qui nous charme aussi par ses imperfections.

« J’ai arrêté de prendre des drogues qui font faire de la musique qui donne envie d’en prendre » lâchait Mr. Newcombe dans un grand moment de lucidité. Peu de chances pourtant que sa nouvelle galette ne devienne le nouveau tube de l’été des centres de désintox ; Il n’est peut être pas tout à fait soigné. Ce ne sont pas les moines tibétains qui s’en plaindront.

Brian Jonestown Massacre – « I Want to hold your Other Hand »