Le rêve californien à portée d’oreilles.


A défaut d’avoir rencontré le succès en leur temps (soit entre 1998 et 2003), l’americana cosmique des californiens Beachwood Parks anticipa la « nouvelle vague » popularisée un peu plus tard par Grizzly Bear et autres Fleet Foxes, Timber Timbre… Le quatuor constitué du meneur chanteur /guitariste Chris Gunst, le bassiste Brent Rademaker (petit frère de Darren, à la tête des merveilleux The Tyde), le multi-instrumentiste Farmer Dave Scher ainsi que le batteur Aaron Sperske, signèrent deux albums country/folk sous le prisme des harmonies pastorale des Byrds, The Buffalo Springfield et les chemises à jabot de Gram Parsons . Curieusement, leur lapsteel plutôt dévergondée caressait aussi l’ambition de chevaucher les odyssées psychédéliques wes coast des Beach Boys (période Smile) et Love.

Deux disques ovnis parus respectivement 2000 et 2001 (+ un ep final en 2002) exhalaient une douceur zêlée si foisonnante – peut-être trop touffue pour les oreilles non averties – qu’ils devinrent l’objet d’un petit culte païen chez les fans de bizarrerie country psychédélique. Lassée du manque de reconnaissance, l’ambition pastorale des angelinos s’est finalement échouée en 2003, mais la planche de surf est restée au bord de la plage, au cas où… Presque dix ans plus tard, le line up originel revient à la maison Sub Pop par la grande porte, avec ce troisième opus régénéré. Revenues des expériences de jeunesse dans le désert, les embardées excentriques se sont de fait un peu atténuées sur The Tarnished Gold. Pourtant le grain de folie demeure, sous-jacent, les thèmes ayant basculé vers un onirisme merveilleux.

Kris Gunst a beau nous prévenir d’emblée dès le premier refrain, « Forget the Song That I’ve been singing », toute résistance ou tentative d’amnésie est inutile. Ne serait-ce que pour la grâce immaculée de « Nature’s Light » et « Earl Jean », merveilles pastorales oeuvrant au souvenir de l’Endless Summer. A la seule exception de la partie de rodéo « The Orange Grass Special », tout n’est que douceur et volupté sur ce disque cotonneux et magnétique. Le bottleneck butine dans une immense prairie impressionniste, avec en arrière-fond le spectacle galvanisant du soleil couchant de Big Sur (« Sparks Fly Again », « Water From The Well » …). Leur rêve californien pousse même une escapade jusqu’à la frontière mexicaine, avec le délicieux « No Queremos Oro ». Le son est panoramique, parfois grandiose – sept musiciens officient désormais dans le groupe – cultive des accointances avec la folk atmosphérique des cousins britanniques Mojave 3. Après-coup, il n’est guère étonnant que le groupe de Neil Halstead souffrit aussi de son isolement, trop en avance sur son temps…

Enfin, soulignons quelques personnalités notables venues prêter une main fraternelle sur quelques pistes : le trublion bigarré Ariel Pink, le grand frère Darren Rademaker, et la guitare de Neal Casal (Ryan Adams)… Avec toute cette flopée d’admirateurs venus témoigner de leur amour, gageons que Beachwood Sparks ne sera plus un secret pour longtemps. Que justice soit enfin faite.