Les chevaliers de l’indie pop ronde signent un quatrième album enchanteur et mystérieux, peuplé de mélodies diaphanes. Merveilleux.
Les albums du quatuor de Portland, Phantom Buffalo, tiennent une place spéciale dans nos cœurs, rangés précieusement chez les romantiques minimalistes de la pop, auprès de The Clientele, feu Luna, les premiers Belle & Sebastian et The Bats. Leur précédent opus, Cement Postcard with Owl Colours nous avait transportés sur un cumulus de guitares réverbérées et de mélodies hypersensibles. Ardemment soutenu par la communauté du label Microcultures (maison artisanale qui propose sur la Toile des préventes et des souscriptions pour financer ses artistes), l’album figura en bonne place dans notre cuvée des meilleurs albums de l’année 2010.
Pour leur quatrième opus, les buffles fantômes du Maine nous offrent un visa pour Tadaloora, une petite île enchantée où nous sont contés des histoires de Roi et de Reine du royaume de Traleetralu, mais aussi de monstre des mers, de lapin fleuriste amateur ou encore d’un phoque sauveur de bibliothécaire ( !?)… Tout concept album considéré, il ne faut ne pas s’attendre pour autant à un nouveau virage folk féodal, avec harpes, violes et tutti quanti. La musique de Phantom Buffalo, immuable, s’évertue à tracer le même joli sillon depuis Shishimumu, leur premier album paru voilà déjà dix ans : soit des mélodies étrangement doucereuses enveloppées autour de guitares électriques tour à tour vaporeuses et incandescentes. Au centre, la voix timide et chevrotante, de Jonathan Balzano-Brookes, cousin transatlantique de Stuart Murdoch. Si le petit Prince de St-Exupery pouvait chanter, on se plait à penser que sa voix serait ainsi.
Tadaloora a tout de la version étoffée de Cement Postcard with colours. Le quatuor a conservé sa belle économie de moyen, ce qui ne l’empêche pas de jouer sur les teintes avec subtilité : chorus de trompette et saxophone, arrangement de violons et instruments à vent sont disséminés avec parcimonie, relevant pour chaque titre du détail d’orfèvre. Le songwriting de Jonathan Balzano-Brookes est quant à lui impérial. Dès la première écoute, on recense trois coups de foudre instantanés – les mélodies accroche-cœur de “Wedding Day Massacre », « Horse Named Reginald » et l’élévateur « Stark Glass Man » – appelés à devenir des classiques de leur set-list en concert. Après quelques écoutes répétées, on s’égare un peu plus loin dans les vastes et passionnants reliefs de Tadaloora, d’autres contrés se révèlent : « Boom Boom Flowers », seul morceau baroque à se rapprocher de l’identité folk enchanté du concept album, est très réussi façon “Scarborough Fair”. Autre visage, « Sea Lion Saves Librarian », une mignardise americana (1minute 30 secondes !) tout en trompettes de scout vaillante, pourrait aisément figurer dans la BO du prochain film de Wes Anderson, ou bien dans un disque de la période scandinave de Lee Hazlewood. Enfin, le puissant « Frost Throat » fait mine de sortir l’artillerie lourde à grands coup de riff éléphantesque, pour finalement se raviser et offrir certainement l’un des passages les plus léger – catégorie poids-plume – de l’album…
Après mûre réflexion, un classique de la littérature enfantine nous vient à l’esprit, le Where the Wild Things Are de Maurice Sendak. Ce livre illustré où un enfant fait cap sur une île mystérieuse habitée par une communauté de monstres à la fois gentils et effrayants. Il y a décidément quelques points communs avec Tadaloora : deux œuvres, uniques, où le merveilleux se fait délicieusement ambigü.
The Story of Tadaloora from Phantom Buffalo
The Story of Tadaloora from Phantom Buffalo on Vimeo.