Parmi les innombrables réincarnations artistiques de Ben Chasny, le sorcier folk notoire derrière Six Organs of Admittance, Rangda est assurément son projet parallèle « actif » qui attire le plus notre attention.


Parmi les innombrables réincarnations artistiques de Ben Chasny, le sorcier folk notoire derrière Six Organs of Admittance, Rangda est assurément son projet parallèle « actif » qui attire le plus notre attention. Ce trio instrumental au sein duquel se sont associés ses deux compatriotes américains, le génial guitariste versatile Sir Richard Bishop (Sun City Girls) ainsi que le batteur Chris Corsano (Six Organs, Jandek, Björk…) . Chaque membre vivant aux quatre coins des Etats-Unis, la première collaboration qui en découla, False Flag (2010), était plutôt le fruit d’improvisations conduites par les solos free-rock et cosmiques de Ben Chasny, les deux autres acolytes se chargeant d’escorter la transe à bon port. Virtuosité des intervenants mis à part, l’exercice manquait encore d’une direction distincte. Il semblerait que le trio ait cette fois trouvé le temps de pousser plus loin les perspectives instrumentales offertes par son entité. Formerly Extinct est définitivement d’un tout autre calibre. Les huit excursions alignées ici tranchent par un fructueux travail d’écriture collective, ouvrant de nouvelles portes aux digressions électriques du trio. Certains collègues évoquent le guitariste électrique égyptien Omar Khorshid lorsque les gammes des deux guitaristes s’invitent vers le Moyen-Orient, mais ce serait franchement un peu limité comme seul comparaison. Musique arabisante, free-jazz, math-rock, doom, kraut, acid-rock, s’y télescopent au gré de leurs pérégrinations collectives, audacieusement orchestrées… Par exemple, le monolithe, « Silver Nile », étiré sur onze minutes, évoque les lentes marches funéraires de Earth, avant d’accélérer la cadence boostée par les grooves polyrythmiques spectaculaires de Chris Corsano. « The Vault », provoque chez les six-cordes une carthasis de staccatos dissonants, qui en milieu de parcours bifurquent vers des arpèges élévateurs, superbe… Cela aussi ne nous avait pas frappé auparavant, les sons maléfiques que tire Ben Chasny de son instrument sur  » Majnun » empruntent beaucoup au Robert Fripp et son roi cramoisi de la période Lark’s Tongues in Aspic. On oserait même avancer Television pour la télépathie de certaines parties rythmiques de guitares en duo, cotons à tricoter (« Plugged Nickel »). Et pourtant, Rangda passe outre ses références pour indubitablement sculpter une matière neuve, passionnante. L’incontournable exploration outre rock de cette fin d’année.