… Ou comment ouvrir un nouveau chapitre de l’histoire tourmentée de la pop française…


« French rock is like English wine », avait, un jour, déclaré un binoclard qui se prétendait, à l’époque, plus célèbre que le Christ. Mais s’il venait, lui aussi, à ressusciter, que dirait le sus-cité de cette nouvelle vague de French pop qui déferle, depuis plusieurs semaines, dans les bacs et sur les scènes ? Si les formations concernées ont comme point commun leurs origines provinciales et le courageux usage du français, pas l’ombre d’une main invisible de directeur artistique cynique : il s’agit bien d’une génération spontanée, dont les seuls calculs ont trait aux kilomètres engloutis pour poser leurs tréteaux dans les SMAC et autres MJC.

Après Lescop, c’est, en ce début d’année, au tour d’Aline de passer l’épreuve du premier album. Les quatre copains, emmenés par Romain Guerret, chantre du dondolisme dans une vie antérieure, ne sont pas novices sous les feux de la rampe. Lauréat 2010 du concours inRocks Lab, sous le nom de Young Michelin, le groupe a enregistré avec Andy Chase, collaborateur des Smashing Pumpkins et de The Divine Comedy, et semé plusieurs EP remarqués dans le microcosme indé. Il a aussi trouvé sur sa route un bibendum auvergnat, ogre amateur de sports plus mécaniques que soniques. L’injonction juridico-pneumatique de ce dernier a soufflé un changement de blaze, pour que la formation, marseillaise d’adoption, puisse continuer à mettre les gaz.

Nanti d’une nouvelle identité rappelant l’éternelle dulcinée dessinée sur le sable par le Beau Bizarre, le combo s’est employé à repeindre la Canebière aux couleurs de Liverpool ou Manchester. Sur le vinyle, la mélancolie se décline selon des lignes claires, à coup d’arpèges cristallins, sur des plages contemplatives ou à la merci d’éclairs fougueux. S’ouvrant et se fermant par un même instrumental en deux versions (« Les Copains », addictif), l’album est une chronique d’un quotidien émotionnel où divers âges peuvent se reconnaître. On y évoque des ruptures douloureuses, des dragues sans succès et des amitiés déçues. Mais à l’image du titre de l’oeuvre, « Regarde le Ciel », l’espoir reste de mise.

Si la nostalgie pointe ci et là son séduisant minois, les influences sont solidement digérées, sans accès de facilité ni excès d’évocation. Le post-punk funk d’Orange Juice (« Je bois et puis je danse », imparable) côtoie l’élégance songeuse et métronomique des Smiths (« Elle m’oubliera », magistral), entre deux visites d’un sombre Robert du même nom. Les briscards du rock français, anciens jeunes gens modernes ou non, verront en Aline les héritiers de Gamine, des Desaxés ou des Fils de Joie, dont Etienne Daho aurait pu baptiser le berceau. On retrouve d’ailleurs, derrière la console, l’un des plus fidèles accoucheurs du classieux rennais, l’ex-Valentins Jean-Louis Pierrot.

Avec ce premier opus, Aline peut regarder au-delà du ciel. Avant le retour des hirondelles, le groupe part sur les routes faire plus que deux étincelles et brûler les planches sur lesquelles, dans une veine dense et nerveuse, il excelle. Pour leur tournée et à Paris, lors d’un Café de la Danse (déjà complet), le 21 février prochain, gageons qu’il y aura beaucoup de copains

Notre Minute Seen du groupe