De la country au Mans, c’est possible ? Oui, la preuve avec les sarthois de Tue-loup qui nous reviennent avec un neuvième opus mélancolique et fiévreux.


Loin des atonies de la chanson française, subsiste donc une formation secrète venue des pays de la Loire. Depuis plus de quinze ans, Tue-Loup ne cesse de déployer son folk rock poétique et langoureux sans que l’inspiration ne faiblisse. Comme les vétérans de Malicorne, le groupe tient son nom d’un lieu-dit sarthois, mais évoque davantage le désert américain que les landes celtes. Les chansons sont élaborées par le fondateur Xavier Plumas (textes, voix, guitare) et Thierry Plouze (guitares), auxquels viennent se greffer une bande de musiciens habiles et expérimentés. Entre americana et rock tourmenté, la musique de Tue-Loup grise et enivre, transportée qu’elle est par la poésie bucolique et ombrageuse de Plumas.

Avec 9, Tue-Loup fait de nouveau claquer ses fers et arpente des sentiers peu battus. L’attelage est dans les clous folk rock, l’escorte est poussée par des vents subtils (flûte, trompette, harmonica) et quelques notes de piano. Le pas s’enclenche lentement avec les arpèges délicats de l’introductif « Le couchant », puis l’allure vire au trot languide (« Les grandes marées ») et fiévreux (« Jouvence »). Une vague de guitares en tremolo ou en boucle et quelque chÅ“ur lointain nous emportent, l’ivresse est inéluctable.
Après un hommage à Malicorne (singulière relecture, aride et noire, du « Margot » de 1976), et un instrumental gonflé (« Mark-Mark »), le groupe fait montre d’une maîtrise et d’une audace folles. Entre vapeurs jazzy et saillies noisy, Tue Loup enchaîne ses balades troublées et vénéneuses. Le verbe de Plumas, littéraire et charnel, perturbe par sa simplicité et sa noirceur rentrée. L’accompagnement musical est toujours subtil et pertinent, le tout dans une mise en son sobre et naturelle.

Entre désert américain et campagne française, Tue Loup continue de tracer sa propre route, discrète et insolite. Sur son neuvième effort, le groupe se régénère, laisse parler l’électricité et un peu moins les mots. Et surtout reste authentique, délivrant son souffle à qui veut bien se laisser étourdir.