Sortis de crise, les débauchés cosmiques canadiens reprennent leurs marques avec un disque illuminé et jubilatoire.


Ne jamais sous-estimer un batteur dans le processus créatif. Avec Say It, second opus des canadiens Born Ruffians paru voilà deux ans, nous avions fait l’expérience d’entendre un batteur triste, et combien son jeu pouvait contaminer la teneur d’un album. Le rythme lent et lourd qui portait les chansons de ce disque dérèglé, délibérément brut, tranchait radicalement avec l’énergie juvénile et directe du premier album, Red Yellow and Blue (2007). Si la communication au sein du trio originaire de Victoria (entre-temps passé quatuor avec l’arrivée du claviériste Andy Lloyd, transfuge de Caribou) avait du mal à passer, en résultait sur bande une fascinante tension sous-jacente. Say it, album frustré d’un groupe confronté à ses problèmes internes, ne se laissait ainsi apprivoiser à nous qu’à la condition de s’y engager dans la durée, mais prenait considérablement de la hauteur une fois percé à jour.

En contraste, Birthmarks est définitivement l’album de la vigueur retrouvée. Exit leur producteur depuis les débuts Rusty Santos (Animal Collective), le choix s’est porté pour ce troisième opus sur Roger Leavens, distingué au préalable sur Rhythymnals, l’excellent album solo du chanteur/compositeur Luke Lalonde paru il y a seulement quelques mois. Le leader des Born Ruffians, manifestement tellement satisfait du résultat, lui a renouvelé sa confiance et présenté au reste du groupe. Autre changement notable, c’est le label de Toronto Paper Bag Records qui récupère le groupe suite à leur départ de Warp.

Birthmarks sonne la sortie de crise. Un regain de forme général, où l’énergie collective redevient directe, palpitante, lumineuse. Les contours psychédéliques du premier album, quasiment évincés sur Say It, refont leur apparition par l’usage subtile des claviers colorés et de réverbérations electro – l’afro-pop rayonnante de « With Her Shadow » le meilleur morceau que Vampire Week-end n’a pas écrit. Mais c’est surtout le songwriting de Luke Lalonde qui fait des merveilles. Il y a beaucoup de morceaux exaltés sur Birthmarks, où le chant fougueux du jeune homme respire la confiance retrouvée – « 6-5000 » et « Ocean’s Deep » devraient provoquer sur scène, leur territoire de prédilection, de nouveaux séismes . Sur la deuxième partie du disque émergent quelques passages plus posés et introspectifs (le bien nommé « So Slow », ou encore « Never Age »), laissant émerger alors la facette désabusée de Say it.

Les Born Ruffians viennent définitivement de reprendre leurs marques. En 2013, peu de disques tels que celui-ci pourront prétendre capter l’énergie bouillonnante et espiègle de la jeunesse. Ce sont définitement nos Violent Femmes modernes, version 2.0.