Grand ménage de printemps chez le guitariste de Birds of Maya, Mike Polizze, enfin sorti de sa chambre, pour laisser bourgeonner ses mélodies au grand air.


Toutes les crises d’adolescence ne se ressemblent pas. Mike Polizze a pris le taureau par les cornes et a baladé sa tignasse au sein de la scène musicale de Philadelphie, en enfourchant sa guitare à l’assaut du mur du son. Avec Birds of Maya puis sous le nom de Purling Hiss, il a martyrisé les sonos les plus résistantes à grands coups de soli cradingues, le long d’éprouvants jams psychotiques. Revisitant à sa manière les décennies musicales passées, sous forme d’effluves opaques où s’affrontent les fantômes des Stooges, MC5, et Loop. De Permanent Records (l’ancien label de Kurt Vile) à Drag city, la route a été tortueuse, mais il en est ressorti aguerri, et c’est sur ces bases encore fumantes que se dresse Water on Mars .

Purling Hiss, devenu trio, a décidé de provoquer ses anciens fans en poussant pour la première fois la porte d’un studio avec leur pote Adam Granduciel (The War on Drugs) à la production. Fini le concours de celui qui pissera le plus loin à l’épreuve « production lo-fi », option quatre pistes brûlé au chalumeau. Telles des perce-neiges brisant la crasse, les mélodies ont pris le pouvoir. Le groupe cherche moins la confrontation directe en décidant de prendre en traitre, et trouve une manière différente d’imprimer notre conduit auditif.

Premier morceau, premier larsen. Il ne faut pas déconner non plus. Et là, c’est Kurt Cobain qui sort de sa funeste retraite, pour plaquer un riff perdu de Bleach et cracher à la face du monde « Lolita come back to me !!!». Premier grand frisson, premier avertissement. Il sera difficile de décrocher de cet album. Seconde chanson, papy Mascis et Lou Barlow nous prennent en autostop pour une escapade à l’ancienne et nous rappellent au bon plaisir des choses simples. Troisième escale, Evan Dando chipe le micro à son tour, et dans un sourire complice, donne des leçons aux gamins sur « Rat race ». Pour la suite, c’est le jeune Beck de One Foot in the Grave qui a vu la vierge en écoutant pour la première fois The Madcap Laughs. Il s’octroie des vies à répétitions, comme on balancerait le même chat huit fois d’affiliés par la fenêtre – « Dead again », même pas mort. Plus tard, Pavement lâche même un inédit de 30 secondes en guise d’intro pour « The harrowing wind ». Sur « She calms me down », Bradford Cox (Deerhunter) et l’ami Kurt Vile sont invités à fricoter sous les étoiles pour calmer le jeu.

Mike Polizze n’a cependant pas disparu de la circulation et glisse une blague salée en fin de parcours sur le titre éponyme. Cinq minutes (et pas une seconde de plus !) de kraut-rock psychédélique instrumental, renouant les liens avec les aspérités tordues de ses vertes années. Puis, le morceau bifurque subitement et laisse place à une rock song de deux minutes à la mélodie parfaite. Comme ça, pour emmerder le monde et se faire désirer.

Si Purling Hiss saute à pieds joints dans la grande marmite du revival 90’s, il surclasse sans peine la jeune garde postiche et intègre la confrérie très fermée des talented basterds réunissant Ty Segall, Thee Oh Sees, et feu Jay Reatard. Ceux-là même qui pondent des tubes comme on enchaîne les cafés froids le matin. À ce titre Water on Mars est une épatante réponse east coast au Slaughterhouse de Ty Segall sorti l’an dernier. L’écriture est limpide, quoiqu’un peu grasse par endroits mais chacun y trouvera son petit tube pour l’été. Ce qu’il a perdu en mystère et en sex appeal pour mauvaise fille sous LSD, il l’a gagné en assurance, et trempe maintenant sa mélancolie dans la bière fraîche en tentant de draguer la jolie serveuse. Les époques ont changé, le « Hey Jude » de 68’ s’est subtilement transformé en « Hey Dude » marmonné par The Big Lebowski.

Ce n’est, pour autant, pas une musique du passé. Elle évoque cet éternel présent, et les braises de notre adolescence qui n’en finissent plus de brûler. Il existe comme ça, des mélodies capables de se muer en refuge et donnent la force d’affronter les lendemains. Qu’il y ait ou non de l’eau sur Mars, une chose est sûre, Purling Hiss a trouvé sa fontaine de jouvence, et sur la stèle qui la surplombe, est inscrit à jamais: Younger than yesterday, Happier than tomorrow.