Le trio emmené par Jose Gonzalez sort un nouvel album sobrement intitulé Junip. Trop sobre peut-être ?


Je ne ferai pas l’affront de présenter Junip aux lecteurs de ce webzine, chacun a pu/du écouter en boucle l’excellent Fields paru en 2010. Le 23 avril dernier paraissait le nouvel album de la bande à Gonzalez et le moins qu’on puisse dire est que l’accueil, s’il fut poli, fut à l’image des contrées habitées par le groupe : ensoleillé mais limite glacial. La faute en revient principalement au groupe et au difficile exercice du deuxième album.

Que reproche-t-on à ce second Junip ? Pour faire simple, d’être la copie carbone de Fields, de ne prendre aucun risque. Reproche quasi incontestable mais qui se doit d’être nuancé. Souvenez-vous des reproches faits à Low dans les années 90 : groupe le plus lent du monde avec tendance à ne pas se renouveler, à creuser son sillon à l’infini. Ces reproches étaient émis à propos des trois premiers albums du trio « slowcore » américain considérés maintenant et à juste titre comme des classiques.

Pour Junip, le scénario est à peu de choses près la même. D‘où la déception pour nombre d’auditeurs. Pourtant ce deuxième album du trio suédois est aussi bon si ce n’est supérieur à Fields. La seule véritable différence avec son prédécesseur est qu’il ne ne bénéficie plus de l’effet de surprise. Ni de l’immédiateté. Fields vous prenait directement aux tripes, imposait ses choix, ses directions. Sur Junip, le ton adopté est bien plus feutré, plus en retrait. L’album se veut discret, long en bouche. Pour autant Gonzalez et sa bande sont capables de pondre des morceaux immédiats, capables de vous retourner dès la première écoute. Pour preuve avec « Line of Fire » et « After all is Said and Done », respectivement premier et dernier morceaux. Mais entre les deux, le guitariste/chanteur dissémine également un nombre de pépites non négligeables.

Prenez au hasard « Your Life », chanson on ne peut plus classique, basique même : couplet-refrain-pont. Et assez anodine d’apparence. Outre son côté addictif (au bout de trois écoutes, c’est mort : le refrain reste vissé dans le crâne ad vitam eternaem), il y a un potentiel de sauvagerie, étouffée certes, qui doit prendre toute sa dimension lors des concerts. A l’écouter de plus près que remarque-t-on ? Une batterie métronomique, martiale, une basse divisionesque, une guitare en bruit de fond, fil conducteur du morceau. Seuls les claviers et la voix permettent d’apaiser la tension qui se dégage du titre. Loin de se révéler au premier abord mais présente tout de même. « Walking Lightly », idem : une batterie digne de Can, des drones sortis du petit Rock Bottom illustré, cette fausse impression que le morceau n’avance pas, tourne sur lui-même, contrecarrée par les apports discrets du claviériste. Configuration identique que pour « Your Life » et même résultat : addiction au bout de trois écoutes.

« Baton » ? Basse structurant le morceau, légères expérimentations proche du dub quant à la batterie, quelques sifflotements de Gonzalez pour alléger le tout, un travail sur le son magnifique et morceau passionnant à l’arrivée. « Beginnings » ? voir commentaires précédents. On pourrait ainsi énumérer tous les morceaux de ce Junip sans parvenir à en faire complétement le tour. L’avantage d’un tel disque c’est qu’il s’offre de façon si discrète qu’à chaque nouvelle écoute se révèle un autre détail, plus passionnant à chaque fois. L’écoute terminée on se retrouve avec une insatiable envie d’y retourner pour vérifier ce qui vous a échappé. Un disque exigeant en somme, d’une grande beauté, prenant son temps. Un luxe incroyable que seuls peuvent se permettre certains grands groupes. Dont Junip.