Le songwriter australien transcende enfin son spleen sur un splendide album de reprises épurées où se mêle les Bee Gees, Joy Division ou encore Roberta Flack.


« Désapprendre », comme le souligne si bien Scott Matthew, est l’une des clés essentielles consistant dans l’art ténu de la reprise. Oublier les traits si régulièrement épousés pour redessiner de nouvelles courbes intimistes, nécessite un véritable effort de composition dont s’acquitte ici avec honneur l’Australien Scott Matthew sur ce cinquième album. Doué d’un falsetto plaintif remarquable, il manquait pourtant jusqu’ici à ce folksinger au physique christique, ce terrible « je ne sais quoi » qui le confinait alors dans la catégorie des sympathiques seconds couteaux. C’est finalement en revisitant le répertoire des autres que le charme opère enfin pleinement.

Outre le choix judicieux de la sélection éclectique, alternant entre standards indé et mainstream (Bee Gees, Joy Division, Kris Kristofferson, Nate King Cole, Rod Stewart ou encore Roberta Flack), c’est bien sûr l’interprétation très personnelle et l’épure des réorchestrations (piano essentiellement, quelques cordes et cuivres disséminés ça et là) qui rendent Unlearned particulièrement irréprochable. L’écrin dépouillé, quasi minimaliste, offert à cette collection de quatorze reprises est d’une infinie justesse. Ce sens de l’effleurement évoque par moment l’unique album solo de Mark Hollis, et pas seulement pour le choix esthétique noir sur blanc.

En invitant son timbre ultra-sensible, le frisson opère là où l’on ne l’attend pas forcément, tels ce génialement désespéré « I Wanna Dance With Somebody », tube eighties emprunté à la tragique diva Witney Houston, présenté ici complètement dénudé au piano, ou encore la ballade To Love Somebody des frères Gibb qui ouvre ce disque sur une note grave bouleversante. Un petit parfum d’éternité aussi s’en échappe, tel ce « Smile » popularisé par le crooner Nat King Cole et écrit par Charlie Chaplin, où le divin Neil Hannon vient d’ailleurs chanter en duo.

L’exercice montre parfois ses limites lorsque Scott Matthew s’attaque à une montagne comme « No Surprises » de la bande d’Oxford au ukulélé, trop classique dans le phrasé pour parvenir à s’en extirper. Acquiesçons tout de même que le morceau a été tellement souvent repris qu’il est devenu pratiquement impossible de sortir son épingle du jeu. Curieusement, dans le même cas de figure, Matthew s’en sort pourtant magistralement sur l’ultime ballade de Joy Division « Love Will Tear us Apart », où il exorcise ces trémolos plaintifs sur quelques touches noires et blanches esseulés. Belle performance, là où il serait pourtant facile de tomber dans la caricature. Enfin, mention spéciale pour le groove précieux d’ »Harvest Moon du Loner », et la touche soul légère apportée sur le « Darklands » des frères Reid. Unlearned excelle ainsi dans cet équilibre subtil de s’approprier quelques figures familières sous un jour nouveau.