Le prodige allemand de la musique ambiante/concrète revient avec deux albums captivants.


Revoir le nom de Marsen Jules ravive immédiatement les effets ravageurs de son Nostalgia en 2011, un objet si directe, si rempli d’affects, que les mots venaient à manquer. Martin Huls revient en effet cette année avec deux albums ayant deux perspectives différentes, mais qui révèlent à leurs manière la profonde fragilité que le jeune musicien allemand s’attèle à inscrire dans chaque oeuvre qu’il signe.

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Marsen Jules – Endless Change of Colour (12k – 2013)

Dans la lignée compositionnelle constante du label 12k dirigé par Taylor Dupree, on peut dire que Endless Change of Colour ne constitue aucunement une surprise. Morceau unique d’une quarantaine de minutes, il s’agit d’un exercice minimaliste tirant sur une ligne sonore simple qui s’auto-génère, jusqu’à devenir un itinéraire riche par des changements subtils de « couleurs ». La matière initiale du musicien allemand est une séquence prise sur un vieux disque de jazz qu’il divise en trois flux distincts. Ces derniers sont par la suite retravaillés afin d’en faire des boucles éthérées, le corps du départ étant donc complètement transformées. C’est le jeu incessant entre ces trois flux sonores qui constitue l’expérience d’Endless Change of Colour, comme des substances qui s’interpénètrent, formant des harmonies vivantes et toujours changeantes.

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Marsen Jules Trio – Présence Acousmatique (Oktaf – 2013)

En trio, il s’agit d’une toute autre histoire. Accompagné des frères jumeaux Jan-Philip et Anwar Alam au piano et violon, et Roger Doering (Dictaphone) au saxophone, la conduite élémentaire qui dessine à travers la discographie de Martin Huls (l’homme qui se cache sous le pseudonyme francophone Marsen Jules) obtient un relief plutôt original et très prometteur dans Présence Acousmatique. La délicatesse des notes fait qu’on effleure, à travers des répétitions, la surface des choses, sans traverser des corps qui seraient trop denses ou massifs. L’expérience prend même des allures nocturnes à travers le jeu du saxophone qui apparaît dans « Histoire de la Nuit » et « Eclipse », renvoyant à des groupes comme Bohren&Der Klub of Gore. La seule « présence acousmatique » explicite se trouve plutôt dans « Maison en Vitre », qui constitue d’ailleurs le morceau le plus condensé et intriguant, mais aussi le seul qui réfléchit en terme d’espace. Le rythme en boucle du bruitage sec accompagne les cordes fantomatiques qui apparaissent et disparaissent, où les sons électroniques compacts s’accentuent pour évoquer un mouvement dans un jeu de proximité et d’éloignement. Un passage plutôt à part dans cet album, mais ce dernier conserve néanmoins toute sa cohérence musicale. Décidément, le jeune musicien allemand semble savoir parfaitement comment séduire, et surtout, comment le faire durer.

Ecouter Présence Acousmatique sur Bancamp:



Regarder/Ecouter un extrait de Endless Change of Colour :


Marsen Jules « The Endless Change Of Colour » from 12k on Vimeo.



Ecouter « Eclipse » :