Dans le sillage argent du monstre U.S. du rock indé.


Il aura fallu attendre presque 25 ans – une bagatelle – pour que le gastéropode ose sortir la tête de la fragile coquille dans laquelle il s’était replié, d’une averse plus forte que les autres pour que le monstre sacré du rock indé américain pointe à nouveau le bout discographique de ses cornes. Bien sûr, il y eût quelques reformations, quelques tournées caritatives (lire « qui mettent un peu de beurre dans les épinards des artistes concernés ») mais une nouvelle trace gravée arrive enfin sur les platines.

Comment donc aborder ce nouveau disque des Pixies, Indie Cindy ? Oublier dans un premier temps l’indécis titre un peu pourri; oublier ensuite la pochette un peu ratée de Vaughan Oliver et son orange moche; oublier enfin l’âge des participants, leurs déboires, leurs histoires et ne se pencher alors que sur l’album. Peut-on vraiment oublier que Pixies fut le zénith de l’indie rock américain des 80’s et des 90’s ? Que depuis que Charles Thompson et sa bande ont balancé Doolittle à la face du monde, ils figurent en haute estime dans le panthéon du rock ?

Qu’il est donc difficile de juger un disque à la seule aune de son contenu quand il est si chargé d’histoire et d’émotions à rebours ! Parce qu’Indie Cindy (non mais quel nom affreux !) est une excellente compilation d’inédits de Pixies (Ce disque n’est-il d’ailleurs pas lui-même le regroupement d’EP sortis précédemment?). S’y retrouvent comme par enchantement les hurlements ou les feulements de Francis sur guitare rythmique, quelques envolées de lead guitar si particulières à Santiago et la batterie à tout faire de Lovering. Alors d’accord, il y a un trou, un appel d’air, comme une béante évidence en l’absence de Kim Deal qui complèterait cette recette infernale : comment donc oublier la charismatique et si singulière bassiste ?
En enchaînant donc les chansons power pop dont le groupe détient le secret, couplets sous tension et refrains ravageurs, l’album déroule sans pour autant surprendre; et c’est bien ce petit grain de folie, voire la folie furieuse tout court, qui fait défaut à ce disque trop bien produit, une grosse mécanique un peu lourde et huilée qui déroule sans vraiment sortir de l’ornière qui la conduit.

Mais pourquoi (les) Pixies piétineraient-ils les plate-bandes de Weezer ?
Si n’importe quel groupe de freluquets pondait un Indie Cindy, un refrain de l’acabit de « Another Toe In The Ocean », un tube à la « Greens And Blues », il leur serait pardonnés alors cet impossible nom, cette jaquette improbable et même cette maîtrise impeccable de la production, des couronnes de laurier fleuriraient sur leurs têtes chérubines. Mais le quadra, le quinqua qui seraient venus chercher un peu d’élixir de jeunesse ou une nouvelle « Holiday Song » devront passer leur chemin, au risque d’être un tantinet déçu.

En 2014, la question reste donc : « Qui est encore prêt à suivre les traces baveuses mais néanmoins brillantes (« Silver Snail ») de l’escargot Franck Black Charles Francis et ses lutins ? ». Car il semble bien que le seul régisseur et commandeur suprême de l’entité Pixies soit Franck Black (mais est-ce vraiment une nouveauté ? D’ailleurs, le principal héros du clip animé de « Another Toe In The Ocean » serait-il le fils caché de Black et Santiago ?). Son unique compositeur sortirait en fait un nouvel album un peu plus efficace que les précédents sous un nom historique et différent.

En faisant table rase du passé – de sa propre nostalgie comme de la discographie antécédente du quatuor – c’est un jeu plaisant qui vaut tout de même un bout de chandelle.