Ou comment rentrer de plein pied dans son époque d’une sauvage talonnade.


1,2,3,4 ! Paf ! Ainsi commence Wild Crush, le quatrième album du trio londonien. Comme finissait le précédent, Coconut, la guitare fuzz entre les dents.
Et ceci pendant 35 petites minutes qui font penser tout le bien d’un album concis mais à l’évidence crasse.

Fi des fioritures ? Pas si sûr. En moins de temps qu’il n’en faut à un groupe de rock progressif pour jouer une intro, Archie Bronson Outfit aligne neuf chansons parfaites, entre stoner façon Black Sabbath (« Cluster Up And Hover », « We Are Floating ») et leurs racines blues ou chansons pop bancales et barrées (« Lori From The Outer Reaches », « Glory, Sweat And Flow ») voire indéfinissables (« Country Miles ») pour ne point trop mésuser du terme « psychédélique » par les temps qui courent.
Et après Mark Kozelek, cette année déjà, voilà un groupe qui remet à jour l’incroyable et pas si daté saxophone. Connaissant les loulous, seuls ces gourous en boubou pouvaient user de la pédale wah-wah à gogo et mêler un foufou saxo à leur rock barjot. Ici, loin d’être une faute de goût donc, c’est une manière de plus d’agrémenter leur folie sulfureuse : l’instrument à vent vient à merveille soutenir les bidouillages électroniques, le clavier répétitif et mélodique ou cette incroyable voix gémissante, éraillée, braillant à tue-tête.

Et si le cynisme pointe le bout de son nez, si ABO ne se cache pas d’être un tantinet narquois (ne sont-ils pas allés jusqu’à piquer leur propre morceau « Hunch Your Body, Love Somebody » de leur furieuse récréation Pyramids), quoi de plus naturel donc d’avoir le recul nécessaire sur sa propre production pour introduire l’instrument tant décrié et lui donner l’air si normal. Alors que les effets de claviers viennent doubler les voix fausses de « Love To Pin You Down » ou « Lori », le saxophone semble d’une part avoir toute légitimité dans les arrangements mais surtout ne pas être pour un sou ni démodé ni insupportable.

Car derrière ce fatras d’effets, les musiciens prouvent une nouvelle fois leur sens mélodique affûté, chansons qui restent en tête, qui de son refrain affolant, qui de son groove enivrant. Alors oui, le tout-guitare s’est fait la malle, comme initié sur le précédent album, mais en toute connaissance de cause, chez un groupe qui n’a plus de limite que celle de servir ses propres idées et se permettre de les enregistrer, un groupe qui ferait fi des chapelles pour mieux retrouver sa véritable identité.
Une fois passée la jaquette pour le moins surprenante, Wild Crush est un disque qui s’écoute et se réécoute donc avec une jubilation chaque fois renouvelée, en dodelinant de la tête et des nénés (cf. la pochette donc) et dont la concision en remontre à beaucoup de productions sans fin des années 2000 : malgré son blues sans âge et son douteux saxophone, Wild Crush est un album moderne.