Un trio international, basé en Allemagne, réinvente le gothique sans mascara. Et porteur d’espoir.


Des stèles chaleureuses émanent instantanément de réconfortantes mélopées chorales. Car malgré l’atmosphère lugubre qui se dégage autant du patronyme de ce trio, basé à Leipzig, que de sa sombre pochette énigmatique, il se produit ici une musique presque rassurante.
Pour un disque sorti sur le même label que les facétieux Kadavar et autres confrères stoner ou assimilés, cette production semble en tout point singulière : comme si les harmonies vocales pop des jeunes Concrete Knives avaient été confiées à des esprits torturés, transformant en mélancolie ambiante des pop songs trop guillerettes.

Pourtant, le disque n’est pas si noir et voit se résoudre en mode majeur les principales nappes de clavier qui hantent les compositions. Le charme indéfinissable de cette musique à l’esprit très cinématographique réside dans une rythmique de tambour martial à fleur de peaux, dans ses tensions synthétiques qui colorent la musique d’accents lancinants, ces guitares aux effets démultipliés d’un autre âge (« Ships Will Come »). Et bien sûr ces scansions vocales (dix-sept choristes crédités sur la pochette) : c’est un chÅ“ur antique et tragique mais sans pièce ni acteur.
Et les vaisseaux arriveront, sauveront les naufragés de la révolution sociale (« Ravachol », anarchiste franco-allemand), les naufragés désespérés au dos de la jaquette, perdus sur une île déserte et fantomatique, emportés par les « Roulaux » incessants qui ferment le disque indéfiniment.

Tout est ici rassemblé pour célébrer une noirceur profonde (« Penumbra » entêtant et languissant sur huit minutes) et sans issue ni réconfort (« Cold Women » comme Arcade Fire passé au ralenti) mais la singularité du chÅ“ur systématique et des mélodies presque faciles confèrent au disque une rassurante issue; comme si cet esprit gothique sans grand-guignol ni grandiloquence, sans maquillage ni mascara, dans le constat du désespoir du monde, était soudain transcendé par le futur, porteur d’espoir, du titre : oui, un jour, les vaisseaux viendront.
Et de sortir de l’écoute de cet intriguant objet musical, de ces seuls sept titres suffisants, rasséréné et apaisé.