Hayden, l’éternel espoir du folk canadien ou la solitude du chanteur de fond.


Voilà maintenant 20 ans que Hayden Desser traine son folk magistral et spleenétique dans la caisse magique de sa guitare. Digne fils du Loner, dont il partage la patrie natale Toronto, le chanteur sort son huitième album studio une nouvelle fois dans l’anonymat le plus tragique. Car comment ne pas tomber immédiatement sous le charme de ce chanteur à la musique boisée et racée, voix gémissante et refrains magistraux ?
À la maîtrise parfaite du down-tempo et de la deuxième voix tapie dans l’ombre viennent s’ajouter sur Hey Love, avec toujours plus d’à-propos, des cuivres par-ci, un harmonica par-là (le très youngien « Happy Birthday »). Et surtout la patte indispensable à la musique d’Hayden depuis son premier album, le piano, qui porte en lui la couleur de la tristesse de l’auteur, comme dans l’instrumental « Nothing Easy Feels This Good » ou le susurré « Orange Curtain Light ».

Depuis toujours, Hayden s’interroge sur les relations amoureuses et conjugales comme personne, désespérément mais avec humour, recul et une telle nonchalance qu’il en viendrait presque à oublier d’enregistrer l’album d’après. Sauf que si son absence semble tant peser, c’est surtout parce que ses chansons et ses interprétations sont un besoin quasi vital, de l’instant, quand les disques sortent pourtant avec une régularité métronomique. C’est un artiste qui manque. Alors, de prières bancales et pedal steel (« Hey Love ») en méditations lascives et guitare saturée (« Just Come Out Tonight »), l’album se bâtit petit à petit dans une ambiance de chambre de motel un peu sale, télévision allumée, mais aussi comme le petit confort quotidien rassurant de la vie de couple, parfois seulement tant désirée, dans un abri de fortune, piano fantôme et guitare torturée de « Shelter ».

Parce qu’il touche au plus près du cÅ“ur, parce qu’il enchante tant la question amoureuse, parce qu’il est capable de balancer sans prévenir un morceau de la trempe de « Nowhere We Cannot Go » – un tube folk ! – ou d’enregistrer encore un disque de la qualité de Hey Love, Hayden reste le folk singer essentiel de ses dix dernières années, haut la main, méconnu et indispensable.