Sixième opus en regain de forme sensible pour l’emblématique formation rock alternative de Seattle emmenée par Isaac Brock.


On ne remerciera jamais assez la playlist de Radio France. Alors que les antennes de la maison de la radio étaient en grève, nous avions l’agréable surprise, chaque matin à la même heure, de se brosser les dents en écoutant le tube indé Foat On de Modest Mouse sur les ondes FM de France info. L’occasion de nous rappeler combien Good News For People Who Love Bad News (2004) était un sacré album. Concédons que les huit années de hiatus de l’emblématique formation de rock alternatif emmenée par Isaac Brock – consécutif au décevant We Were Dead Before the Ship Even Sank – ne nous avait pourtant pas tellement manqué. Le disque bien nommé donnait l’impression d’un gros paquebot à la dérive, et d’un groupe lessivé malgré le renfort (ou à cause, selon les avis) de Johnny Marr en membre intermittent de luxe. Depuis, les groupe de Seattle (22 années de carrière tout de même, dont les dix premières de galère) a sans surprise essuyé le départ du guitariste des Smiths ainsi que le bassiste Eric Judy, tous deux remplacés sur le pont par les multi-instrumentalistes Russell Higbee et Lisa Molinaro. Des membres historiques il ne reste donc plus à bord que le capitaine fracasse Isaac Brock et le batteur Jeremiah Green (lui aussi parti un temps, puis revenu).

Les temps Lo-Fi de l’attachant Lonesome Crowded West (1997) sont bien loin, et quelque part ce n’est pas plus mal. Depuis le succès retentissant de Good News For People Who Love Bad News (2004), une nouvelle ère s’ouvrait pour la souris modeste, avec des disques à la production de plus en plus soignés et sophistiqués. Le grain de folie intacte d’Isaac Brock, chanteur possédé au regard tordu, se chargeait de mener à bien cette nouvelle direction artistique, alternant entre réussites et semi déceptions. Son sixième opus, Stranger To Ourselves s’inscrit sans conteste dans la première catégorie avec une formation en regain de forme sensible.
Le processus d’enregistrement long et fastidieux, supervisé par Brock en coproducteur très pointilleux, a vu défiler une belle brochette d’intervenants tels que Tucker Martine, les anciens collaborateurs Clay Jones et Brian Deck, mais aussi Greg Calbi et John McEntire, chacun respectivement au mastering et au mixage. Si la longueur des crédits fait un peu peur, le choix pointu du personnel engagé dans cette ambitieuse entreprise n’est pas à remettre en question. Et par dessus tout, l’écoute de Stranger To Ourselves rassure sur les intentions. Les quinze morceaux de ce pavé éclectique – soit le ratio traditionnel du groupe pour chaque album – dévoilent une Å“uvre dense, aux recherches sonores poussées. Certes encore un disque fleuve, mais qui ne prend pas l’eau contrairement à son prédécesseur.

Modest Mouse n’a peut-être ici jamais autant bousculer son rock fiévreux, en se poussant dans des situations inhabituelles. Dès « « Stranger To Ourselves » qui ouvre le disque sur une note délicate, bordé d’arrangements de cordes soyeuses comme une ballade de Sparklehorse, et un Isaac Brock étonnamment fragile. Autres agréables surprises, le cuivré « Sugar Boats » et son côté fanfare de Nouvelle Orléans, ou encore « Pups to Dust » où se révèle de belles nappes éthérées. On note aussi une touche exotique de congas sur le pourtant bien relevé « Ansel ». Ces explorations n’empêchent le moment voulu de balancer quelques salves électrique mémorables, comme sur l’imparable « The Ground Walks…  » et ses guitares post punk bien senties (avec un Brocke tout aussi emporté), ou encore sur l’efficace single « Lampshades on Fire ». Même dans un registre plus classique, comme sur le groovy et mélodieux « The Best Room », Modest Mouse trouve toujours une porte pour se dépasser. Alors, même si par sa quantité copieuse, on n’échappe inévitablement pas à quelques petites indigestions – « Pistol », tentative electro/hip hop assez grotesque – Stranger To Ourselves est un disque qui s’inscrit dans le temps et dont on n’a pas finit de faire le tour. On ne boude pas notre plaisir d’entendre à nouveau cette attachante formation de nouveau prête à en découdre.