A la tête d’une carrière déjà bien remplie, la jeune anglaise prend un virage électrique sans abandonner la maîtrise qui a fait d’elle une valeur sûre du nu-folk britannique.


Découverte à 16 ans grâce aux chansons qu’elle avait déposées sur Myspace (un nom qui rappellera à certains leurs premiers pas sur les réseaux sociaux, mais qui fut aussi un formidable espace virtuel d’autopromotion musicale), la précoce chanteuse est ensuite devenue la muse du mouvement nu-folk britannique, intégrant Mumford & Sons et Noah & The Whale. Elle inspirera d’ailleurs à ces derniers le très beau The First Days of Spring, après son départ du groupe et sa rupture avec son chanteur.

Après trois albums qui lui ont valu la consécration de la critique et plusieurs distinctions (Prix aux Brit Awards et NME Awards en 2011), on avait laissé l’Anglaise sur un Once I Was An Eagle, album conceptuel de folk dépouillé, ambitieux mais également un peu raide et inégal, sur laquelle elle paraissait quelque peu tourner en rond. Désormais exilée à Los Angeles, où elle dit avoir puisé son inspiration dans l’énergie de la bouillonnante métropole californienne, la londonienne signe donc son 5ème album en 7 ans.

Sur « Warrior », qui ouvre l’album, la voix cristalline de la chanteuse est troublée par un écho lointain, dans un songe rythmé par la gravité envoûtante d’un refrain piégé dans les limbes : « I’m juste a horse on the moor / Where is the warrior i’ve been looking for ». Après cette introduction où l’on retrouve Laura Marling en terrain connu, l’enlevée « False Hope » la voit s’éloigner d’un folk classique et prendre des atours plus énergiques, qui l’emmènent sur les terres -sacrées- de PJ Harvey. Le morceau se distingue de la production habituelle de la chanteuse par son tempo échevelé, son motif de guitare vigoureux et son refrain accrocheur.

La production, réalisée par ses soins, s’avère également plus riche et éclectique qu’à l’accoutumée (« Gurdjieff’s Daughter » et ses relents presque country). Enrichis de cette veine électrique, les arrangements de cordes (sur « Short Movie » et « I Feel Your Love ») et le fingerpicking virtuose de l’anglaise forment un écrin sur lequel vient se poser une voix singulière, tour à tour douce et fragile (« Divine ») ou plus sombre et intense (« Dont Let Me Bring You Down »). Cette variété des harmonies vocales dessine des arabesques au service de textes intimistes. Déceptions sentimentales et solitude, la mélancolie désenchantée de certains propos tranche avec la luminosité du chant. Sur « Strange », un des moments forts du disque, la folkeuse conte une relation adultère dans un talking blues fiévreux. On se demande alors si la plume acérée de Sixto Rodriguez s’adressant à Janis Joplin n’a pas été trempée dans la même encre.

L’alternance entre ballades folk acoustiques dans la lignée de glorieux aînés (Joni Mitchell, Joan Baez, Bert Jansch ou Bob Dylan) et compositions plus rythmées ouvrant de nouveaux horizons nous offre un album ambitieux qui coupe avec les racines folk classiques en élargissant la palette sonore de Laura Marling.

Avec une carrière foisonnante à seulement 25 ans, Marling entre dans la catégorie des artistes majeures et impose désormais son talent au-delà du cercle de la folk-music. Et cet album de transition donne déjà très envie de découvrir sa prochaine mue.