Sur son 7ème opus, le quintet de Louisville fait sa révolution americana sans se fâcher.


Le chanteur et guitariste Jim James, à l’emploi du temps de ministre, retrouve son terrain de prédilection et ses musiciens. Formation phare de l’americana de la dernière décennie, My Morning Jacket rebranche les amplis à lampe après quatre années d’absence. Laissé en stand-by en 2011 sur Circuital – opus bigarré d’influences, saisi et gravé en studio dans les conditions du direct – le quintet de Louisville (Kentucky) remet aujourd’hui le couvert.

Depuis leur acte de naissance en 1999, la formation emmenée par Jim James, aura autant emmagasiné et assimilé d’influences qu’elle aura connu de changement de personnel. Le spectre est conséquent : alternative country, rock sudiste, R& B, psychédélisme, funk, reggae, stoner rock, rock indé, folk, soft rock … Ce grand barnum d’influences sera réinjecté à dose non homéopathique dans chacun de leurs six précédents efforts. Difficile par conséquent à cerner, l’image que restitue My Morning Jacket est relativement floutée.

A vrai dire, Jim James ne calcule rien. C’est en ça qu’on apprécie son combo. La surprise est au rendez-vous à chaque nouvel album. Prolifique, il file vers les projets et provoque les rencontres, en suscitant l’intérêt ! Tel un grand angoissé il se doit de combler le vide. Ces dernières années, il participa à deux « super groupes » (Monsters of Folk projet à l’initiative de Conor Oberst, et The New Basement Tapes sous l’égide de T Bone Burnett), sans oublier de mentionner évidemment son convainquant, catharcique et home-made album – Regions of Light and Sound of God – en 2013. Sous le patronyme Yim Yames, il a aussi repeint l’univers de Georges Harrisson.

James enchaîne donc les projets, mais sa méthode de travail demeure immuable : Son smartphone, première étape dans la conception de ses chansons, ne le quitte jamais. Qui lui reprochera ? Dans sa base de données, il y note à l’improviste toutes ses idées. Dès 2013 à la sortie de son album solo, il commence à y mettre de l’ordre. Les prémices de The Waterfall prennent forme. Excité, il enchaîne et empile alors les démos qu’il apporte à ses comparses. Celles-ci évoluent et grandissent en réunion. Enthousiastes mais hésitants sur le résultat final, aucun des musiciens ne communiquera.

The Waterfall augure du meilleur dès les premières secondes et transmet ses bonnes vibrations à qui veut l’entendre. Enregistré au Panoramic House Studios à Stinson Beach, Californie, au nord de Frisco capitale mondiale du cool, The Waterfall débute en fanfare avec « Believe (Nobody Knows) ». Une amorce de claviers, un refrain dans l’instant mémorisable, des textes énigmatiques portent avec conviction et ferveur une mélodie popisante à l’optimisme suranné. Notre curseur de bonne humeur s’affole ! Dans la même veine sa jumelle – « Big Décisions » – produit les mêmes causes et les mêmes effets. Irrésistible !

Victime d’un violent accident sur scène en 2008 dans l’Iowa, Jim James reste encore marqué au fer rouge par ce coup dur. Les dommages collatéraux demeurent. Le deuxième titre « Compound Fracture » semble y faire référence. Une rythmique « Princière » qui swingue, une performance vocale étalonnée sur un spectre large. Encore un titre à la datation incertaine !

The Waterfall présente une unité et une cohérence avérée mais le gang de Louisville module tout de même les plaisirs. Par exemple, le semi acoustique «Like A River» est cadencé par une pédal steel guitare et met en situation la voix de fausset de Jim James. Le rustique et rural « Get The Point », l’hagard et psychédélique « Spring (Among the Living) » aux choeurs décomplexés continuent leurs ouvrages de pacification. « In Its Infancy(The Waterfall) , est accrocheur mais non dénué complexité : mixé sur plusieurs niveaux, ce titre associe un synthétiseur antique à un jeu guitare au diapason d’un refrain mimant un disque rayé, ou un sillon récalcitrant : Le mot « again again again » – inéluctable – y est répété . Ce titre est à analyser comme une métaphore : Jim James observant une cascade (The Waterfall) et constate, amer, son impossibilité à ralentir la cadence des événements de la vie, qui inlassablement et par flot continu «encore , encore et encore » dégringolent et se déversent inexorablement. Un titre particulièrement convainquant.

Officiellement, l’album se clôt sur le tendre et lumineux « Only Memories Remains » au tempo lent et aux effluves subtiles de soul. Mais la messe n’est pas dite. Le disque enchaîne après une minute de silence sur 4 bonus dont le très dylanesque « Hillside Song ». Ce supplément augure d’une suite immédiate en 2016. Déjà écrite, enregistée et annoncée, une deuxième offrande nous tend bientôt les bras !

Premier de cordée dans leur discographie récente, The Waterfall convainc. La production soignée et aux petits oignons de Martine Tucker agrémente des morceaux brillants et stylés sans coup de pompe mélodique. The Waterfall est soft et relax. Il touchera les bonnes âmes réceptives.