Nouvel album en moins de six mois pour les protégés de Ty Segall. Un kaléidoscope musical frais et jouissif qui, assurément, va réchauffer les chaumières.


Cher Mr. Segall (Ty pas Steven, nous sommes dans un webzine sérieux ici),

Je me permets aujourd’hui de vous interpeller car il me semble reconnaître en vous tous les symptômes de ce qu’on appelle chez nous le syndrome d’hyperactivité. Syndrome vous obligeant à sortir de façon compulsive plusieurs albums par an sous différents pseudos et ce depuis une petite décennie. Non pas que cela nous dérange, loin de là, mais parfois, à la rédaction, nous nous disons entre nous qu’il serait bien que vous vous preniez de temps à autre un semestre sabbatique. A vrai dire, tout cela ne serait guère embarrassant si vous n’aviez pas sous votre coupe quelques protégés qui semblent vouloir emprunter le même chemin que vous.

Prenez vos potes de Wand par exemple, quatuor psyché rock californien emmené par Cory Hanson. En à peine six mois, les voilà qui nous sortent deux albums : tout d’abord Golem, sorti en mars dernier chez In The Red dans lequel le groupe propose un garage/rock pyché dans la lignée de ce que vous faites régulièrement entre votre groupe Fuzz et votre carrière solo puis, en septembre chez le prestigieux label Drag City, un 1000 Days sur lequel nous allons nous pencher un peu plus. Car si Golem versait dans le rock, son successeur vise quant à lui plus le kaléidoscope musical.
Nous sommes d’accord, la base musicale de Wand repose juste sur du Garage/Rock/Psyché/Folk, ce son des 60’s que bon nombre de groupes actuels cherchent à recréer et qu’ils n’ont jamais pu connaître. A la différence que 1000 Days est un peu plus que ça, car se distingue en élargissant considérablement le spectre de ses influences. Et ce dès « Grave Robber », véritable comptine pop psyché gonflée à l’hélium et bourrée d’idées dans laquelle on retrouve des fragments de musique électro allemande des 70’s, de la pop anglaise certifiée 60’s et autres trouvailles de ce genre. Idem pour « Broken Sun » qui verrait cette fois-ci Brett Anderson et son groupe Suede prendre les commandes et n’aurait pas dépareillé sur leur premier album (par ailleurs la référence à Suede est loin d’être fortuite ; plus loin sur 1000 Days une des chansons, « Sleepy Dog », fait explicitement référence aux britanniques et leur classique Dog Man Star). Plus surprenant encore, sur « Dovetail », ce sont carrément les allemands de Can (Tago Mago et plus précisément « Halleluwah ») qui sont conviés à cette cérémonie tribale avec un instrumental robotique, répétitif et tendu. Et plus loin, sur « Stolen Footsteps », sur un socle folk/psyché, les Californiens s’amusent à y greffer une électro-pop minimaliste façon cold wave d’obédience teutonne sans pour autant perdre en cohérence.


Outre ses mélodies immédiates, se greffant direct dans votre ciboulot, la grande qualité de 1000 Days, est de parvenir à tout assimiler, insérer des milliers d’idées par chanson sans que ça ne vire au grand n’importe quoi. A partir d’un canevas assez simple, pop/folk psychédélique, Wand passe à la moulinette garage cinquante années de rock’n’roll, pioche dans toutes les époques et fait strictement ce qui lui plaît.
Cette liberté a des avantages – beaucoup ! – et quelques inconvénients, notamment quand le groupe s’égare dans des solis douteux (le lyrique et moyen « Passage Of The Dream ») gâchant un plaisir jusque là presque total. Mais il faut relativiser car le groupe a aussi cette capacité à rebondir et repartir sur des bases plus saines en allant droit à l’essentiel (Little Dream morceau suivant parvient à allier concision, mélodies et énergie, faisant oublier cette bévue en moins d’une minute).

En somme avec 1000 Days, Wand parvient en à peine trente minutes à renvoyer aux oubliettes des groupes prépubères comme Foxygen et Temples en sortant un album absolument jouissif, d’une fraîcheur et d’une immédiateté salvatrices car doté d’une véritable personnalité. Et, cerise sur le gâteau, 1000 Days a également la propriété particulière de prolonger l’été dans les conduits auditifs de tous ceux qui voudront bien se pencher dessus. Une aubaine en cette période de frimas et en attendant le prochain effort des américains, prévu on l’imagine pour février ou mars 2016. Soit à peine un mois après la sortie du prochain Ty Segall, à sortir le 22 janvier prochain.