Même en compilant les restes et les raretés de sa déjà dense discographie, l’élégant songwriter américain en ressort grandit. Comme en amour, on l’aime pour ses imperfections.


Pour tout dire, après avoir frôlé l’indigestion sur le double album Big Wheels and Others (2013), on appréhendait la parution de ce nouveau doublé du songwriter américain Cass McCombs – qui plus est constitué de faces B et autres raretés. Même si, dans le fond, le problème du précédent opus ne résidait pas sur la qualité des compositions mais sur son penchant fourre-tout et sa longueur (22 chansons), gâchant partiellement le plaisir d’écoute.

A folk Set Part. Le titre peut sembler ironique à l’écoute du disque, puisqu’il s’agit en grande partie de compositions où les guitares Fender dominent le propos. Le démiurge a, il est vrai, toujours déclaré considérer ses chansons comme des folksongs modernes. Ces dix-neuf compositions couvrant depuis les débuts en 2003 jusqu’à de nos jours donnent à voir la partie cachée de l’iceberg : c’était l’occasion de rassembler des morceaux introuvables parus sur différents petits labels ou des 45 tours vendus uniquement lors des concerts. Et force est d’admettre qu’il y a peu de déchets chez ce modeste artisan à la discographie dense et d’une tenue quasi irréprochable (auteur d’au moins trois classiques la décennie passée, les fantastiques Prefection, Dropping The Writ et Catacombs ). Cass McCombs possède une présence rare qui a le don d’élever la pop à guitares, lui donner un peu de mystère sur une base instrumentale ô combien éculée. De ce fait, on ne lui connait pas aujourd’hui d’équivalent contemporain, ou alors il faut remonter trente ans en arrière du côté de la poésie d’un Dean Tracy (Television Personalities).





Si après Big Wheels, l’épaisseur quantitative reste d’actualité, on lui préférera cette compilation étrangement moins éparpillée malgré les écarts d’âge, présentant essentiellement des chansons autour d’une assise rock classique, à quelques exceptions près au piano. On y compte même quelques-unes de ses meilleures compositions. Avec en premier lieu l’indispensable « Twins », pure joyaux magnifiquement interprété au piano, où Cass McCombs se glisse à la perfection dans le costume blanc du John Lennon de « Jealous Guy », mais qui se retourne contre lui, en se posant en victime sentimentale.
On y découvre encore bien d’autres fulgurances mélodiques, comme ce « Evangeline » au refrain si candide ( « Evangeline, eventualy » répété inlassablement), un single tiré d’un split avec les Meat Puppets et vendu uniquement en concert. Même sur le format resserré garage, Cass McCombs parvient toujours à trouver une petite accroche mélodique géniale, un inflexion vocale irrésistible glissée autour d’une progression d’accords éculée – notamment sur le pêchu « A.Y.D », un de ses plus vieux morceaux figurant ici, mais aussi les enlevés « Oatmeal », « An Other », et “Poet’s Day” (où participe sur ces deux dernières la six-cordes barrée de Chris Cohen de Deerhoof). Avec « Bradley Manning », où les guitares cradingues étouffées du Crazy Horse sont agréablement de sorties, on le retrouve sur un terrain autrement plus engagé, avec cette chanson dédiée à l’espion américain(e) qui avait transmis à Wikileaks des documents militaires classifiés.

Evidemment, cette collection n’évite pas deux ou trois pistes franchement dispensables (dont « Texas », délirium de six minutes 30 secondes aussi déroutant qu’un « Revolution 9 », dirons-nous… ), mais en regard de la quinzaine de véritables pépites offertes ici, l’ensemble mérite sérieusement d’envisager son acquisition, au même titre qu’un vrai album studio, si ce n’est plus. A bon entendeur…