Le grand retour du duo américain avec un album conceptuel que n’aurait pas renier Sonic Youth.



Et si cette chronique commençait par un avertissement fort judicieux ? Ne cherchez pas le premier volume de Ultimate Cares dans la discographie de Matmos, duo américain d’électroniciens barrés. Vous aurez beau fouiller, faire des recherches approfondies, vous réunir autour d’une table ronde, convier les esprits et tout et tout, vous ne trouverez rien, que dalle. Pour la simple raison que Ultimate Care II est la marque du lave-linge qui a été ici utilisé pour le nouvel album des américains. Oui, vous avez bien lu, Ultimate Care II, nouvel album de Matmos n’est ni plus ni moins que la retranscription musicale d’un cycle court d’une machine à laver.

Dit comme ça, ça a l’air aussi excitant que d’écouter un disque d’ambient de quatre heures basé sur des sonorités d’un réfrigérateur en fin de course. Et pourtant il n’en est rien. La folie du duo, capable comme chacun sait du meilleur ( The West, The Civil War) comme du pire (Supreme Balloon), quand elle est à son apogée, permet de faire passer les concepts les plus barrés comme des lettres à la poste. Chance pour nous c’est le cas ici. Qu’y entend-on ? Outre le bruit du bouton marche/arrêt en introduction et l’avertissement de la fin du cycle trente huit minutes plus tard, on y perçoit assez distinctement des barrissements, du brassage d’eau, des rythmes échantillonnés, concassés, du suspens, de la tension, voire du krautrock, de l’ambient, du breakbeat et même du New Age.

Certes, n’importe qui peut s’improviser musicien en enregistrant sa machine à laver serez-vous tenté de dire, mais encore faut-il avoir le talent de rendre tout ça audible et passionnant. Pour se faire, le duo s’est entouré de la crème des musiciens les plus barrés du moment venus de tous bords : Dan Deacon, Jason Will Ett (Half Japanese) ainsi que les deux têtes pensantes de Horse Lords, groupe rock expérimental américain, auteur de deux excellents disques (Horse Lords et Hidden Cities).

Le résultat est à la fois surprenant, fou et accessible. Comme décrit au-dessus, on assiste, éberlués, à un mix tout à fait passionnant de différents genres, tous issus de la même source donc, mis en formes de façon cohérente avec un sens du timing et une fluidité proprement hallucinants. D’autres se sont essayés au genre avec plus de réussite encore que Matmos (le japonais de Aube par exemple qui n’enregistrait ses albums qu’à partir de sons extérieurs retravaillés par ses soins) et plus de sérieux également. Mais Matmos a le très grand mérite avec Ultimate Care II de vulgariser le concept et le rendre accessible à tous en y insufflant une touche d’humour tout à fait appropriée ainsi qu’un côté épique rendant l’ensemble intrigant dans un premier temps puis passionnant ensuite. Avouons-le, rarement l’auditeur n’aura été aussi heureux de se retrouver dans le tambour d’une machine à laver. Dit comme ça, ça peut paraître fou, à écouter, c’est on ne peut plus fluide.