Mikko Joensuu, nouveau venu sur le label Finlandais Svart, sort avec Amen I, son premier album et le premier volet d’un triptyque très surprenant.



Quoiqu’on en dise, Svart est décidément un label à part. Les Finlandais, champions du monde du Doom, Funeral Doom (Reverend Bizarre, Fleshpress, Oranssi Pazuzu entre autres) ont décidé cette année de surprendre leur monde en sortant des disques aux antipodes de leur univers. Il y a quelques mois le Chief de Talmud Beach prenait son monde par surprise et proposait une relecture du Blues complètement barrée, devant autant à Captain Beefheart qu’aux 22-Pistepirkko. Ces derniers jours ils continuent à jouer la carte de l’éclectisme en sortant Amen I, premier album du Finlandais Mikko Joensuu.

Le concept d’Amen I est simple et l’ambition du Finlandais plutôt grande : sortir en guise de premier album un triptyque qui s’étalera sur une année. Le premier volume est sorti le 3 juin dernier, le second qui, selon toute probabilité, s’appellera Amen II verra le jour courant 2016 et le dernier volume, au printemps 2017. Tout cela ne nous dit pas de quoi il s’agit et en quoi il prend, comme le Talmud Beach, le contre-pied du label Finlandais. C’est assez simple, si Chief s’attaquait au Blues via la Pop, Amen I lui est un superbe hommage à la … Country. Oui, vous avez bien lu, la Country. Et parce que nous ne sommes pas à un anachronisme près (un Finlandais, un label de Métal, de la Country), Joensuu évacue d’emblée les craintes qu’on pouvait avoir (genre Country Redneck bonne pour les cours de danse ) en proposant une Country racée et élégante à la Lee Hazlewood, ou suintant la mélancolie façon Townes Van Zandt (« Closer My God ») voire même un Folk superbe évoquant les premiers Cohen.

C’est bien beau toutes ces références, mais concrètement ça donne quoi ? Dès les premières secondes d' »Enjoy It While It Lasts », l’auditeur est cueilli par un lit de cordes somptueuses sur lequel se pose une pédale steel du plus bel effet, puis une voix lancinante, nasillarde comme il faut, charriant de la mélancolie par paquet et plus loin encore, sur le refrain, ce sont les choeurs qui permettent au morceau de s’envoler haut, très haut. C’est classique, très classique (Hazlewood n’est jamais loin), à l’image de ce que sera Amen I  : un disque où rien ne dépasse vraiment, où tout y est codifié sans l’once de folie qu’on peut retrouver sur certains disques de Daniel Romano par exemple, avec un cahier des charges respecté à la virgule près (cordes, guitares acoustiques, pedal steel, voix profonde, choeurs féminins) mais c’est surtout d’une beauté absolument renversante. Car le talent de Joensuu, s’il n’est pas de nous surprendre et révolutionner un genre, réside surtout dans le fait de pouvoir nous faire chialer dans notre bière avec le minimum syndical : prenez « I’d Give You All », un piano (très vite éclipsé), une guitare, une voix, et c’est parti pour un trip de sept minutes dans les abîmes de la tristesse et de la désolation, évoquant au final la grandeur de premier album solo de Josh T Pearson. Pas moins.

Néanmoins, si sa Country ne sort pas des rails, elle surprend dans son ensemble. Car il ne faut pas oublier une chose, c’est que Joensuu n’est pas Américain mais Finlandais et que le gars est imprégné de sa culture. Ce qui fait qu’avec Amen I, c’est à une vision tronquée des States à laquelle nous avons à faire, les contrées désertiques et désolées des States se muent en étendues sauvages et glacées, rendant au final Amen I plus fort, plus prenant et surtout plus beau car l’équilibre auquel il parvient, en conciliant Country et culture Finlandaise, est assez miraculeux, pour ne pas dire fragile. C’est d’ailleurs l’adjectif qu’utilise Joensuu lui même pour décrire le premier volume de son triptyque. Il nous tarde donc de découvrir les deux autres, tant celui-ci laisse apparaître un talent hors-norme.

Bref, cette année on ne remerciera jamais assez Svart d’avoir les oreilles grandes ouvertes sur tous les talents venus du froid, que ce soit dans le Metal ou n’importe quelle autre discipline.