A la croisée de Prebab Sprout et Mac DeMarco, Kid Parade démontre un sens mélodique redoutablement subtile, tout en douceur et volupté. Du très très bel ouvrage.


 

Il y a une part assumée d’innocence dans la musique de Kid Parade qui nous donne une once d’espoir face au désastre de ce monde, et nous laisse penser que tout n’est peut-être pas perdu. Il y a aussi la félicité d’entendre une certaine conception de la pop qui, hélas, n’a plus vraiment cours aujourd’hui, à la fois romantique, exigeante et accessible. Le quatuor parisien emmené par Jean-Baptiste Ayoub (chant, guitare, claviers) avait déjà sorti un premier EP en 2013, où on pouvait déjà déceler des prédispositions pour une écriture pop élégante et enlevée, où l’influence britannique des années 80 était peut-être encore un peu appuyée (The Smiths, The Cure…). Syndrôme tout à fait normal pour une jeune formation qui ne demande qu’à mûrir.

Chose faite sur leur premier album au titre en forme de poésie burlesque, The Turtle Waltz, où l’impatience des débuts ne rentre plus en considération. Bien au contraire, le groupe a pris son temps (trois ans) pour venir à bout de ce long format, et cela s’entend, tant sur la forme que sur le fond. Car le temps semble s’être distendu tout au long de ses neuf petits joyaux pop. Les aiguilles se sont arrêtées, et de fait les compositions respirent, atteignent une ampleur – voire une hauteur – exceptionnelle, mixées de main de maître par le texan Manuel Calderon (distingué notamment sur les deux derniers Beach House).

Il est souvent question dans les textes de la mer, de vagues qui nous emportent dans leur sillon… métaphore inconsciente d’un échappatoire ? Quoi qu’il en soit, ce trait est souligné par un effet flanger sur les guitares leur donnant l’impression d’être noyées (sur les superbes “Moaning Morning” et “The Turtle Waltz”). Certains arpèges ne sont d’ailleurs pas sans rappeler ceux des trublions Mac DeMarco et Connan Mockasin, mais l’écriture de Kid Parade est suffisamment confiante pour éviter une resucée sans âme. Avec toutes ces histoires d’ »eau”, The Turtle Waltz donne envie de prendre le large, portée par la voix fine de Jean-Baptiste Ayoub, au vague à l’âme caressant, jamais un ton au-dessus – notamment sur le bouleversant “Reflections” qui clôt l’album.

Il n’y a rien de plus difficile que de maintenir l’équilibre entre exigence mélodique et sophistication, Kid Parade réussit pourtant à plusieurs reprises le pari de mettre tout le monde d’accord : “Hey Boy” qui prend des airs de valse synthétique avec son refrain intouchable… l’exotique « My Dog is a Cat » qui tutoie l’ambition d’un XTC ; l’irrésistible “I Feel Alright”, où tout d’un coup, l’horloge s’emballe, le tempo s’accélère… Depuis quand n’avons-nous pas entendu si distinctement une ligne de basse si ronde dans la pop ? Indéniablement, nous avons affaire à de solides musiciens, pas démonstratifs pour un sou, mais qui mettent tout leur savoir-faire, leur art, au service des chansons, de l’émotion. On touche là le perfectionnisme d’un Steve McQueen de Prefab Sprout,  notamment sur « Raft on the Sea », modèle de soul rock à la coolitude incarnée, qui se termine pourtant en fracas sur un solo de guitare électrique dissonant que n’aurait pas renié J. Mascis, en train de sciemment casser son joli jouet.

Actuellement, on ne voit que les surdoués suédois de Simian Ghost qui jouent dans la même cour. The Turtle Waltz, est indispensable pour tout amateur de pop finement brodée.

 

 

En concert à Paris, le 16 novembre, aux Trois Baudets

Lafolie Records/Differ-ant – 2016

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www.kidparademusic.com

Tracklist : 

1 – Marnie
2 – Hey Boy
3 – Raft on the Sea
4 – Moaning Mornings
5 – The Turtle Waltz
6 – Tattoed Girl
7 – My Dog is a Cat
8 – I Feel Alright
9 – Reflections