Une absence conséquente de 6 ans n’aura pas suffi à couper les ailes du Blue Aeroplanes.


La bande à Gerard Langley arpente à nouveau les rues de Bristol. Cette ville musicalement estampillée « trip-hop » n’a pas seulement existé via ce passé et genre musical glorieux. The Blue Aeroplanes fait partie des durs à cuire de la scène indie-rock et college rock. Bristol est leur bastion. Ils débutent en 1984. Bop Art sera le premier album d’une série de douze, série en cours. L’espace d’un temps aux portes du succès (1/2 millions d’albums écoulés tout de même), ils seront régulièrement logés et bien au chaud, car hébergés par de rutilantes majors (EMI, Chrysalis, Beggars Banquet). Ces ventes non négligeables, mais lissées sur 3 décennies, sont ressenties comme un succès somme toute relativement confidentiel. Leur pic de popularité est atteint en 1990, pour la sortie du saillant ‘Swagger’. Ils côtoient alors de près REM – en live sur leur Green World Tour de 1989 puis en studio pour un titre de Michael Stype sur ‘Swagger’). Un an plus tard ils enfoncent le clou avec le séduisant ’Beatsongs’. Cette doublette enregistrée coup sur coup est une belle réussite. La formation est à son apogée.

 

Langley et son collectif sont sensibles aux arts connexes – danse, littérature, … naturellement intégrés dans leur musique.  Affublé de l’étiquette arty, le poète Langley est un fin et volubile manipulateur de la syntaxe et de la parole, qu’il injecte généreusement dans ses chansons. Ces séquences de ‘spoken word’ (pas tout à fait chantées mais ni tout à fait parlées) – véritable marque de fabrique de sa formation – sont déclamées sous une cascade de guitares. La formule est au top, le savoir-faire est réel.

Le musicien a d’autres cordes à son arc : il est aujourd’hui membre de l’Institut britannique de musique moderne à Bristol (British Institute of Modern Music) en qualité de professeur spécialisé dans l’art du songwriting, et de tuteur pour les affaires musicales. Il n’oublie cependant pas le terrain. Il a récemment mis ses billes dans la salle de concert The Fleece à Bristol.

2017 s’annonçait comme un retour assez modeste : la case départ sera le site de souscription Pledge Music. En parallèle, dans leur salle du Fleece, et en petit comité, ils vont jammer, répéter, et retenir l’essentiel. Les prises seront jugées de qualité. Ils embrayent alors illico dans un studio professionnel pour enregistrer sur des équipements rétro (une console vintage Neve et d’antiques microphones). Le Vale Studios, ancien manoir géorgien rénové et transformé sera leur lieu de villégiature.

Welcome, Stranger! s’apprécie comme un disque à l’ancienne. Il est bien produit, mordant, avec de l’entrain, et une intonation pop rock légèrement punky. Point de swing, les mélodies sont directes, le chant de Langley colle au rythme échevelé. Quelques influences sixties se font aussi entendre. L’ingénieur du son TJ Allen (membre de Bat For Lashes) y est pour quelque chose. Inspirés, ils ont trouvé une cohésion ; leur line up est constitué d’amis musiciens se connaissant sur le bout des ongles. Car l’explication est là, le groupe est stable depuis 5 ans. Chris Sharp est à la basse, Bec Jevons et Mike Youe au chant et à la guitare, le frère Langley John à la batterie, additionné du danseur polonais Wojtek Dmochwski et de Gerard Starkie un vieux de la vieille. Cette stabilité les a souvent fuis. Car The Blue Aeroplanes est une formation à géométrie variable où plus d’une cinquantaine de musiciens sont venus et sont allés ; il n’y a guère que la formation de Mark E.Smith (The Fall) pour brasser plus de protagonistes. C’est aussi une des rares fois où le groupe est présent sur tout le processus de fabrication – de l’écriture à la promotion incluse (tournée).

« Looking For X’s On A Map » a l’honneur d’ouvrir ce retour. Jeu de mots phonétique, pour un refrain aisément mémorisable, ce titre prend le pouls et donne le ton, respectivement rapide et ouvertement rock’n’roll. « Sweet, Like Chocolate » a ses vertus : à l’origine un titre dance de Shanks & Bigfoot entièrement composé au synthétiseur, aujourd’hui totalement repensé et remodelé, et composé à 100% de guitares. Ses riffs saturés et son rythme saignant n’ont que des effets bénéfiques. A prescrire !

Sur « Retro Moon » Gerard Langley est en terrain connu et fait apprécier sa culture : poésie, humour et spoken-word au son d’un orgue daté et de quelques guitares psychés. « Dead Tree! Dead Tree! » : Chanson engagée et écolo ou métaphore énigmatique ? Dans tous les cas un refrain fédérateur au tempo musical dynamique. S’annonce l’ ‘Elvis Festival’. On s’y précipite. L’excentricité est la normalité. Un riff de guitare punky et puissant cadence les festivités. Des cloches à vaches tintent, les filles sont loquaces et peu distantes. On se lâche mais jamais on ne meurt. Sur « Nothing Will Ever Happen in the Future », Langley est volubile, mais surtout désabusé. Tout a été expérimenté regrette-t-il. Un simple constat, une modeste mélodie mais un titre attachant. Une déception tout de même : « Walking Under Ladders for a Living ». Ce titre est sur-joué, particulièrement à chaque passage de son refrain. Langley et ses acolytes sont passés sous l’échelle ! Bec Jevons -voie féminine- prend le relais et squatte la fin du disque. Conflit de personnalité, perte d’identité, sous la peau se construit une personne. ‘Skin’ est sa chanson – indie pop et percutante. Sur ‘Here is the heart of all wild things’ on plonge au cœur de ce come-back. Profond dans la syntaxe, fragile dans sa texture, ce morceau est l’organe vital de cet album. Un délicat et harmonieux picking de guitare met en exergue selon Langley notre volonté ou notre intention. Au 3/4 de sa longueur, sous l’impulsion du duo mixte Jevons/ Langley le mouvement s’accélère. Un orage sonique s’abat et nous lessive.

Le final – ‘Poetland’ – est à l’avenant. Une allure musicale en montagne russe ; dans sa courbe un long monologue tranquille et quelques arpèges de guitares, puis au sommet on dévale la pente au son de guitares distordues et d’un piano frénétique.

Fin des festivités. Le professeur Gerard Langley retourne enseigner au British Institute of Modern Music (BIMM) de Bristol. La prochaine session est parait-il déjà complète.

Art Star – 2017

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Track list:

  1. Looking For X’s On A Map
  2. Sweet, Like Chocolate
  3. Retro Moon
  4. Dead Tree! Dead Tree!
  5. Walking Under Ladders For A Living
  6. Elvis Festival
  7. Nothing Will Ever Happen In The Future
  8. Skin
  9. Here Is The Heart Of All Wild Things
  10. Poetland