Ce guitariste virtuose et chanteur lyonnais parvient à retenir le temps par la force de ses arpèges en quête de pureté et de son doux timbre hérité de Nick Drake.


Parmi la pléthore de disques folk intimiste qui envahissent chaques mois les “bacs” (excusez ce mot du siècle dernier), on a tendance à devenir difficile. La faute à ses cathédrales du genre qui ont déjà tant (tout) fait, de Nick Drake à John Martyn en passant par John Fahey, pour ne citer celles qui nous viennent spontanément à l’esprit. Comprenez que nous avons parfois du mal à être enthousiasmés par un nouveau prétendant à la cause boisée. The Silver Veil de Raoul Vignal, est pourtant cette rare exception qui remet tout en question, de celle qui nous tombe dessus alors que notre vigilance s’était un peu relâchée. L’évidence même du talent qui sourd dès la première écoute. Un petit miracle en somme, comme on fut jadis déboussolé par le premier album d’Iron & Wine, de José Gonzàles ou encore des Kings of Convenience…  

The Silver Veil est le premier album de ce guitariste, auteur, compositeur et interprète, secret bien gardé de la scène lyonnaise qui se produit sous son nom depuis 2010. Agé de 26 ans, ce jeune homme possède déjà à son actif trois EPs. Si son parcours est resté discret jusqu’ici, c’est parce qu’il a multiplié les expériences et les voyages loin de nos frontières, notamment une période berlinoise (2013-2015) riche en rencontres qui lui a permis notamment de signer en 2015 la bande originale du film Sweet Water of Memory réalisé par l’Allemand Carlos Vin Lopes. De retour en France depuis début 2016, notre voyageur s’est dernièrement produit en première partie de Tinariwen.

Enregistrées aux studios Klangbild à Berlin, les dix compositions de The Silver Veil, se sont acclimatées à la ville des Ailes du désir.  Le titre de l’album suggère en fait par ce “voile argenté”, ces nuages qui couvent les berlinois d’une quiétude mélancolique et poétique. Raoul Vignal n’est pas peintre, mais son songwriting sait parfaitement retranscrire cet atmosphère. Avec seulement sa voix et sa guitare, parfois accompagnés d’une flûte traversière et de quelques subtiles parties de batterie, la lumière passe, contrastée, comme si elle jouait avec les vitraux d’une mosaïque millefiori, par la grâce de cette prodigieuse dextérité au picking, intense et incandescente (allié à des accordages spéciaux). Sa virtuosité, est aussi une invitation au voyage, dessinant une ligne d’horizon parfaite, nourrie de diverses influences, bâtissant un imposant viaduc transatlantique qui nous relierait de l’american primitive de Robbie Basho (« Bless You »), à l’élégance suprême flamenca d’un Paco de Lucia (l’ombrageux “Shadows”), comme un vent d’air frais qui nous traverse en pleine canicule andalouse.

Ce spleen solitaire directement connectée à ses phalanges évoque bien sûr, par bien des aspects la figure tutélaire et incontournable Nick Drake. Car la voix de Raoul Vignal est un murmure, grave et paisible, sur les traces de l’illustre créateur de Pink Moon. Mais Vignal s’en détache aussi humblement, avec une distance élégante et une profondeur bienveillante. Comme sur  “One” et son grand tourbillon d’arpèges tempéré par cette voix en sourdine, ou sur « Under the same sky », et sa descente d’accords qui fera vaciller n’importe quel coeur en activité.

Pour être franc, on vous un peu menti au début de cette chronique : la folk intimiste a encore de beaux jours devant elle. Deux autres merveilles de cet acabit sont à scruter en avril, les beaux albums de Jake Xerxes Fussell (chez Paradise of Bachelors) et  Seabuckthorn . On vous en reparle bientôt. Ce printemps, le bois reprend des couleurs.

 

 

Talitres/ Differ-ant – 2017

– Page Facebook officielle

 

Tracklisting :

  1. Hazy Days
  2. Mine
  3. One
  4. Under The Same Sky
  5. Side By Side
  6. Dona Lura
  7. Whispers
  8. Bless You
  9. The Silver Veil
  10. Shadows

Raou Vignal en concert :

14 avr. • Hyères (France) • Festival Faveurs de Printemps, Théâtre Denis (w/ Vashti Bunyan)
02 mai • Troyes • The Message
03 mai • Paris (France) • Les Trois Baudets
06 mai • Lyon (France) • Quirky Festival, Le Bal Des Fringants
18 mai • Lausanne (Swizerland) • La Datcha
10 juin • Nancy (France) • Festival Stéréolithe
11 juin • Sarreguemines (France) • Le Terminus
30 juin • Lyon (France) • Micro Festival Wine & Noise
1er jui • Saint-Marcel-lès-Annonay (France) • Chalet Perché
4 août • Cornbury Park (Uk) • Wilderness Festival
8 août • London (Uk) • Dalston Eastern Curve Garden
9 sep. • Bourgoin-Jallieu (France) • Festival Les Belles Journées
10 sep. • Saint-Jean-la-Vêtre (France) • Festival Bois Noirs