Les magnétiques et mystérieux vétérans néo-zélandais de The Terminals font un retour inattendu. Rien que pour notre plaisir.


La musique indépendante néo-zélandaise ne se résume pas au label Flying Nun, aussi merveilleux soit-il. Une autre scène a existé en parallèle – sa face sombre – également foisonnante, mais plus intrépide, radicale et psychédélique. Un vivier noise et Low-Fi – dont on ne fera pas aujourd’hui la radioscopie – mais qui a compté en son sein durant les décennies 80 et 90, une pléthore de profils différents. En vrac, pour les plus connus ou les moins obscurs, c’est selon : les frères Jefferies (Peter et Graeme), The CakeKitchen, Alastair Galbraith, David Mitchell, Robbie Muir, Sandra Bell, Nocturnal Projections, Denise Roughan, This Kind of Punishment, Dead C., The Renderers… Tous peineront à trouver la pleine lumière. Pas grave, car on avait juste envie de se souvenir et de les citer ! Un label emblématique et pionnier – Xpressway – fut créé en 1985 par Bruce Russell pour d’abord promouvoir sa formation The Dead C. (des Sonic Youth kiwi et Low-Fi pour résumer), puis pour héberger – pour certains un temps très court – un grand nombre de ces agités – aux contours musicaux très noirs et low-fi.

The Terminals fut l’un de ses joyaux. Ce sixième album fait tomber un silence de 10 ans et nous procure l’occasion de mettre en avant cette formation très sous-estimée et confidentielle. Le groupe crée en 1988 et basé à Christchurch doit sa naissance à la rencontre entre le chanteur Stephen Cogle et le batteur Peter Stapleton. Inséparables, leur histoire avait débuté en 1976 au sein de The Vacuum. Elle se poursuivra brièvement en 1982 avec les obscurs Victor Dimisich Band d’obédience garage. Puis rapidement les musiciens vont s’éparpiller. Stapleton ira former The Pin Group (emmené par Roy Montgomery) qui entre parenthèse, aura le privilège d’être étiqueté référence FN001 au catalogue du naissant Flying Nun (via le 45 tours « Ambivalence« / »Columbia« ) et Scorched Earth Policy avec le guitariste des Renderers Brian Crook ; d’autres rejoindront The Builders et Bill Direen. En parallèle Cogle, Stapleton, Ross Humphries, Susan Heney et Mick Elberado vont former la première mouture de The Terminals. Celle où le chanteur et guitariste Ross Humphries impulsera quelque peu une pop chaloupée – marque de fabrique kiwi – dans ce rock d’obédience psychédélique et sombre.

Un album et un EP – Uncoffined et Disconnect – seront regroupés un peu plus tard par Flying Nun sur la compil Cul-De-Sac. Mais Ross Humphries ne s’éternisera pas. Il ira frapper à la porte de The Clean et sera remplacé par le guitariste Brian Crook. C’est le commencement de l’acte 2 des Terminals. Celui où le soleil ne se lèvera plus sur l’horizon musical de cette formation. Celui où leur musique révèlera à qui veut l’entendre, la face sombre et les craquelures inquiétantes de ce petit pays en apparence paradisiaque. Touch en 1992, Little Things en 1995 et The Last Days of The Sun en 2007 seront trois éclipses totales.

A quelques nuances et ponctuations près, la musique des Terminals peut se décrire comme une émulsion instable entre le Birthday Party, le Velvet Underground, Roxy Music et Pere Ubu. La voix de Cogle – quasi instantanément identifiable – fait partie des plus intenses de la musique rock. Caverneuse et éperdue, elle est l’élément vital qui insuffle ce sentiment que chaque chanson pourrait être la dernière. Mais elle n’est pas tout, car la densité et l’inflexibilité de la rythmique développe une atmosphère prenante et étouffante. Les guitares sont saturées de distorsions, le clavier, l’orgue dispersent des nappes intenses et anxiogènes ; c’est comme si une chape de plomb tombait sur chacune de ces chansons. Mais Cogle et Stapleton réussissent néanmoins à délivrer de temps à autres quelques ballades magnétiques.

The Last Days of The Sun était le dernier message sonore envoyé par la formation de Christchurch. Un album hanté par des chansons de fin du monde, aimantées aux derniers rayons du soleil. Il entérinait un retour magnifique après un long hiatus. Rebelote pour 2017. Antiseptic est un autre retour puissant. Le nouveau line up gravite toujours autour du noyau dur Cogle/Stapleton mais viennent s’y joindre l’organiste Mick Elborado, le bassiste John Chrisstoffels et la violoniste et chanteuse Nicola Moffat – en lieu et place – du légendaire guitariste Brian Cook, qui pour échapper à la crainte d’un énième tremblement de terre, est allé s’expatrier dans le désert californien. Les musiciens ont vieilli de 10 ans, certes, mais on les retrouve motivés des mêmes intentions, chevillés par cette même intensité. Le batteur écrit les textes, le chanteur compose la musique – ce n’est pas courant – mais c’est leur habitude. Ce disque est donc blindé de décibels, la tension est encore palpable. N’attendez aucune concession de leur part ; le schéma guitare, basse, batterie est poussé dans ses retranchements. On est parfois à la limite de la cacophonie, tant la musique des Terminals est intense. Un rock échevelé coincé dans une ambiance claustrophobique.

Le titre éponyme « Antiseptic » est le seul à avoir été composé avec Brian Cook à la sortie du précédent LP. Il donne pourtant parfaitement le ton de l’album. Une intransigeance magnifique. Feedback et distorsions parcourent ce morceau ; le chant et l’archet du violon de Moffat se font violence. « Runaway Train » est propulsé à plein régime. Un mur du son saturé de riffs de guitares, d’orgue et d’un violon strident et inhospitalier, impose une cadence infernale. A bien l’écouter ce morceau semble jouer dans les entrailles d’une locomotive. « Glass Walls » déconstruit le rythme et chaque instrument. Mais bien souvent on perçoit avec difficulté, qui du violon ou de l’orgue hurle à la mort. « Edge of the Night » a un motif addictif, le titre se partage entre Cogle et Moffat. Aucun ne cédera sa place. Un must. Puis le rythme reflux sensiblement sur « The Rain Has Come and Gone ». Il est  vrai que ce morceau s’étire sur de longues minutes. « To Be Lost » se laisse dériver. Les décibels semblent se nicher dans les brumes. On s’y égare. Peut-être le titre le plus propice à une réflexion poétique.

La musique des Terminals est noire. La musique des Terminals reste addictive.

Ba Da Bing! Records – 2017

http://www.badabingrecords.com/

https://badabingrecords.bandcamp.com/album/antiseptic

 

Tracklisting :

  1. Antiseptic
  2. Edge Of The Night
  3. Runaway Train
  4. The Rain Has Come And Gone
  5. Days Of Silver
  6. Glass Walls
  7. To Be Lost
  8. Light Years Away