Une monumentale interruption de 29 ans n’entrave en rien le retour très inspiré de Steve Wynn et de sa légendaire formation The Dream Syndicate.


Il y a matière à s’enthousiasmer à l’écoute de ce cinquième album du groupe californien The Dream Syndicate. Les 29 années écoulées entre leur dernière sortie de 1988 – Ghost Stories – et ce tout nouveau projet n’ont pas grippé la machine ni ramolli leurs intentions. Bien au contraire, la flamme est toujours là, l’inspiration aussi. Les musiciens ont claqué un sacré bon disque, comme au bon vieux temps, habité par la même urgence et montre sévèrement les crocs. L’affaire est donc sérieuse ; cet opus est à classer direct dans la catégorie des comebacks réussis de ces derniers mois. Les parties de guitares sont puissantes et diverses influences connexes à leur rock psychédélique affleurent. En résumé, cet opus est une méga partie de guitares électriques – furibardes et déchaînées – à leurs écoutes on se laisse envelopper par leurs nappes continues et zébrées de feedback. Du rock’n’roll carabiné, un point c’est tout !

How Did I Find Myself Here n’est pas à prendre au pied de la lettre. Aucune galère dans leur situation du moment. Le line-up est princier : il est constitué du batteur d’origine – Dennis Duck, du bassiste Mark Walton (entré dans la danse après 1984 et leur album Medicine Show) et du guitariste Jason Victor qui jouait au sein de l’autre formation de Wynn – The Miracle 3. Steve Wynn est aujourd’hui libre de ses mouvements, il navigue entre divers projets (Baseball Project, Danny & Dusty, Gutterball) et sa carrière en solo est conséquente. Il replonge donc aujourd’hui avec un vrai plaisir dans cette aventure sans les contraintes de l’époque.

The Dream Syndicate est née en octobre 1981 d’une rencontre entre deux guitaristes – Wynn et Karl Precoda – que rejoindront bien vite les novices Kendra Smith ex-bassiste des Suspects et le batteur Dennis Duck. Le Dream Syndicate sera d’emblée assimilé à l’éphémère mouvement du Paisley Undeground qui verra s’agiter – avec leurs spécificités – quelques combos de la scène psychédélique underground  californienne : Rain Parade, Long Ryders, Opal, Bangles … Des liens ont également existé avec le Green on Red. Wynn & Co ont aussi ciré les bancs des campus universitaires, leur public a été celui des collèges radios. Le syndicat du rêve est donc très éclectique dans ses goûts, ses choix et ses influences, ce que ne traduit pas forcément leur discographie au rock acéré et sans nuance. Wynn par exemple écoutait aussi bien les Stooges et le Velvet qu’il s’enivrait des longues improvisations de John Coltrane ou Miles Davies. Les groupes allemand Can, Neu,… sont des influences pour certains des musiciens. Leur patronyme par exemple, ils le doivent au musicien compositeur et violoniste Tony Conrad (décédé l’année dernière) et plus particulièrement à son projet enregistré avec FaustOutside the Dream Syndicate. Wynn revendiquait volontiers par le passé des accointances avec le Creedence et le rock seventies, mais on peut citer le Velvet, The Fall ou Neil Young côté face électrique. Leur goût pour les morceaux épiques et à rallonges est né de l’écoute intensive par Wynn du Live at Birdland de Coltrane ; d’ailleurs un de leur titre fétiche et le plus populaire en live est le “John Coltrane Stereo Blues” extrait de l’album Medicine Show.

Aujourd’hui, le syndicat du rêve a produit un “équivalent’’ : les onze minutes de l’éponyme “How Did I Find Myself Here” sont le pivot de ce disque. Sur un tempo assez funky un piano numérique développe une ambiance à la Doors, des guitares nouées vont et viennent et sont associées à une basse bien présente. C’est de loin le titre le plus oxygéné de cet album que l’on imagine réinterprété de mille façons possible en live. Un futur classique du groupe.

En revanche bon nombre des autres mélodies sont tirées au cordeau et uniquement alimentées par un flux électrique intense de décibels. L’affaire a été bouclée en 5 jours au Montrose Studio à Richmond Virginie. Wynn et ses trois acolytes n’ont pas traîné en route : de l’introduction “Filter Me Through You” morceau le plus indie parsemé de magnifiques parties de guitares en sortie de refrain, au plus noisy “The Circle” digne des meilleurs moments d’un Dinosaur Jr, ou bien sur l’enchaînement des titres “Out Of My Head” et “80 West” bien saturés et assez glacials  où tout amateur du schéma guitare- basse batterie ne pourra que trouver son compte. Deux morceaux “Glide” et “Kendras’s Dream” développent un climat plus vaporeux et rêveur tout en gardant leur spécificité. “Glide” est le plus terre à terre, quand au second et conclusion de cet opus – “Kendras’s Dream’ – il comble l’attente d’un hypothétique retour aux affaires de la recluse Kendra Smith. Sa seule concession sera cet ultime titre dans un style à la Nico où l’ambiance rêveuse et éthérée est parfaitement maitrisée et bien séduisante.
Les rêves de Kendra deviennent alors les nôtres.

ANTI-  ⁄ 2017

http://www.anti.com/

Tracklist :

  1.  Filter Me Through You
  2. Glide
  3. Out Of My Head
  4. 80 West
  5. Like Mary
  6. The Circle
  7. How Did I Find Myself Here
  8. Kendra’s Dream