La voix spectrale de Liz Harris (Grouper) accompagnée par quelques notes de piano intimistes dessine les contours fragiles et irréels de Grid Of Points.


Liz Harris est une artiste énigmatique totalement immergée dans son monde. Son univers musical semble étrangement inaccessible et irréel. A l’écoute de Grid of Points – le nouvel opus de son entité Grouper – un petit miracle de mélancolie prend forme. Grid of Point échappe en effet à toute analyse cartésienne. Les rêves et les visions chuchotés et abandonnés par Harris nous touchent. Quelques délicats éclats sonores (7 au total) suffisent à rendre ce court moment (22 petites minutes) plein de grâce. La chanteuse et songwriter de l’Oregon ne dissimule pas ses émotions. Ces quelques mélodies diaphanes et épurées sont rêveusement construites et privilégient une vie intérieure intense. Cette éphémère (en apparence) émotion touche au féerique. La formule magique est minimale : sa voix éthérée et réverbérée – quelque part entre Liz Frazer (Cocteau Twins) et Julie Cruise (Twin Peaks) – accompagnée d’un sobre piano transforme cette épure en une montagne de beauté.

On s’isole religieusement en sa compagnie. Elle a beaucoup à nous transmettre, elle s’y emploie avec si peu de moyens ; c’est encore plus magnétique. Grid Of Points succède à Ruins enregistré au Portugal et commercialisé en 2014. Déjà, le piano noble et difficile instrument prédominait. Ce dixième opus est aujourd’hui moins abstrait et plus équilibré, il a été conçu pendant l’hiver 2014 dans le nord du Wyoming, Harris dans un état ‘second’ (fièvre et isolement dus aux conditions climatiques) seule avec son piano cherche un antidote, un contre feu à cette rudesse extérieure. Aucun des sept morceaux composés ne viendra dissiper son faible capital énergie car ses nouvelles compositions sont exemptes de tout effet superflu. Chaque mélodie est un tableau émotif chancelant, une vision exacerbée de son environnement, la captation d’une lumière, d’un lieu, d’un mouvement …

“The Races”, la magnifique ouverture de 55 secondes est une chorale à une voix … quasi mystique. Le piano s’annonce sur “Parking Lot” ; superbement mélancolique ce morceau exacerbe un fort sentiment de solitude et de vulnérabilité, à n’en point douter une pièce maitresse de ce court voyage. Harris ne s’affranchira jamais de cet état d’isolement apparent, en recherchant constamment l’épure elle y contribue fortement ; son chant – colonne vertébrale fragile comme du verre – est spectral, ses murmures sont une cohorte d’incantations difficilement déchiffrables. Sa musique est idéalement mystérieuse. Ces mélodies fantomatiques révèlent cependant une production très claire.


“Driving” est une autre pulsation mélancolique où les silences sont aussi importants que la musique. Chaque nouveau titre révèle un subtil glissement dans l’architecture de la mélodie. “Thanksgiving Song” est un autre souffle évanescent où le chant et le piano – en intime harmonie – s’évanouissent progressivement. Liz Harris est avare en explication. Un unique et court texte est inscrit sur le livret, il nous en apprend un peu plus sur “Birthday Song”. Musicalement ce dernier établit une connexion plus expérimentale entre le chant et les arpèges éphémères de piano. A n’en point douter le morceau le plus glacial. A l’autre pôle l’organique “Blouse” plus voluptueux est un bijou. “Breathing” sera le dernier soupir, un songe incertain interrompu après 2 minutes par le son d’un train de marchandise – de charbon (‘Coal Train’) … Ce n’est pas un hommage … à John !

L’univers de Liz Harris n’est que rêverie ; Grid of Points est son vecteur. Laissez-vous envouter par ce fantôme éthéré.


https://grouper.bandcamp.com/

http://www.kranky.net/

http://repeatingpattern.com

Tracklisting :

  1. The Races
  2. Parking Lot
  3. Driving
  4. Thanksgiving Song
  5. Birthday Song
  6. Blouse
  7. Breathing/Coal Train