C’est sous un ciel menaçant que débute l’édition 2018 du festival connu pour ses couronnes de fleurs, ses mariages façon Las Vegas (absent cette année), et, bien sûr, la qualité de sa programmation, spécialisée en musiques indépendantes. Des copeaux de bois ont étés disséminés sur tout le site pour parer aux éventuelles bagarres de boues, qui feraient un peu tache avec la sélection de cette année, plus orientée « Dream Pop » que, au hasard, l’édition de 2017 (qui cumulait Slaves, Thee Oh Sees, Archie & The Bunkers, Franck Carter, King Gizzard & The Lizard Wizard… entre autres).
Traditionnellement, c’est un groupe locale qui ouvre le bal, Mummy’s Gone, avec une reprise de Violent Femme (« Color Me Once », sur la BO de The Crow) qui colle parfaitement à la météo. Le miraculé Peter Perett, ancien leader des cultes The Only Ones ouvre la salle et reste dans le ton, avec sa voix nasillarde et son charme si anglais, et captive la foule, à l’inverse des Japonais de DYGL, sympathique mais trop poppy. Vince Staples, seul concurrent Rap cette année, est venu sans musiciens, mais avec une quinzaine d’écrans plats placés derrière lui, et un gilet par balle, qu’il porte à merveille. Les connaisseurs semblent apprécier la performance.
Passé un Nick Hakim un peu mollasson, le grand écart de la soirée se met en place : Sur la scène Mosquito Clams Baker, sorte de Danny DeVito déguisé en cowboy de Série B, entraine ses sbires de Warmduscher, généreux, même dans les larsens. Ce grand raffut désorganisé finira par entrainer l’audience dans un final assourdissent, et brouillon à souhait. Au même moment dans la salle, un public plus civilisé mais tout aussi survolté accueillait les vétérans de Sparks, que les mauvaises langues avaient enterrées : quelle erreur ! Le son parfait de la salle rend grâce à la précision du groupe qui allonge 40 ans de mélodies New Wave ou baroque, sous les ovations d’un public qui semblait bien avoir fait le déplacement pour eux, précisément.
Mais beaucoup sont aussi venus voir la tête d’affiche du jour, qui proposait un show son et lumières digne de son standing : Beck dégaine ses tubes avec générosité, tandis que sur l’autre scène extérieure de jeunes San Franciscains balancent des riffs motorik du plus bel effet, qui rendent le public survolté. Sorte de Thee Oh Sees avec un supplément d’âme, Flat Worms écrase tout, notamment plusieurs paires de lunettes tombées au milieu du pit, devenu tambour de lave-linge. Purement récréatif.
Fin de soirée ombrageuse sous les dissonances de Moaning, post punk enjôleur a tendance très shoegaze, puis The Jesus And Mary Chains, qui font parler la poudre pour leur entrée, avant de peu à peu rentrer dans le rang, malgré un public resté en masse.
Les choix du festival sont payants : la soirée du samedi semble à guichet fermés. Tandis que Cathédrale chauffe le Patio, Mattiel chauffe les cœurs avec sa voix de velours et son rock âpre. Les Buttertones, eux, chauffent l’atmosphère d’un rock ensoleillé aux forts accents surfs avec saxophone de circonstances. Les Canadiens de Chocolat proposent une voix nasillardes posée sur des rythmes chaloupés, et, deux ans plus tard, c’est toujours un plaisir de les voir ici.
Rhye fait salle comble avec un set tout en douceur et en retenue. C’est beau, mais la salle se vide rapidement, sans doute pour échapper aux bras de Morphée, mais aussi pour participer à la messe Folk du king des hipsters, venu accompagné de 2 sosies sur scène (un plus gros, et un plus maigre) : Father John Misty. Le charme opère, puis se dilue peu à peu quand on se rend compte que ça fait quand même fichtrement penser à Elton John, finalement.
Ce n’est pas carnaval, mais Black Bones arrive grimé en mexicanos fluorescent, déroulant un rock aux accents exotiques et festifs. Gros son. Machin hype du moment, Superorganism n’a rien à leur envier question look, mais malgré les efforts en effets lumières et vidéos, porte peu d’intérêt. Arrive Yellow Days, révélation de l’an passé. Le jeune Anglais semble avoir eu plusieurs vies dans sa voix. Bien qu’il en fasse toujours trop et que ça dégouline un peu question tiques verbaux (il a 19 ans), il fait montre d’une aisance saisissante, emballe le public de ses mélodies cotonneuses et de ses complaintes juvéniles.
Ceux qui ont critiqué la programmation on due manger leur chapeau : Phoenix a fait plus que remplir l’espace, ils ont attiré une foule immense et compacte. Le show est généreux en tubes, en effets, un grand spectacle qui valait le déplacement, avec un groove qui rappelait parfois… Jamiroquai. De quoi faire swinger les foules. La soirée se termine avec un Ty Segall, dantesque, Charlie Moothart à la batterie et Mikal Cronin à la basse, mais surtout un teckel à perruque en fond d’écran, immobile. En terrain conquis, mais charitable, il envois beaucoup de titres de Slaughterhouse, jouant des solos trop long et trop bons. Bonheur du fan, désespoir des ORL assistant au concert.
Il faut combattre le mal par le mal : les Fabulous Sheep envois des décibels tôt en ce dimanche après-midi, alors que Park Hotel propose un décrassage en règle avec son disco-Rock façon Talking Heads. Le ciel menace toujours, et les mélancoliques et subtils de Deerhunter parviennent à faire tomber la pluie, au bout de quelques notes pourtant magnifiquement justes.
On en attendait pas grand-chose, la claque n’en fût que plus grande : Les Toulousains des Lullies proposent un punk primitif diablement efficace quoi qu’un peu monolithique. Quelques notes Rock n’ Roll çà et là, mais l’ambiance est franchement Ramones, ce qui incite forcement au pogo. La figure locale Harold Martinez est un peu plus calme, sorte de Bertrand Cantat qui chanterait avec les Black Keys, son Rock est clairement imprégné du Blues du Delta… de la Camargue. Beau.
La fin se rapproche, et Cigarettes After Sex n’aide pas à rester alerte, malgré la belle voix androgyne de son leader. Dieu merci les sœurs Deal sont là, rayonnantes, et les Breeders nous envoie une bonne dose de Grunge pour nous préparer à la déferlante.
Car ceux que l’on attend ce dimanche soir ont étés annoncés après l’annonce de la programmation définitive, comme si le festival avait cédé aux multiples demandes désespérés des fans: les gentils hooligans de IDLES ont investi la grande salle, bondée, et après que Joe Talbot eu tourné comme un lion en cage toisant le public, ils ont offerts ce que l’on attendait : une heure de sueur, d’invectives, de crachats, de pogo, de stage diving, de lancers de verres (pleins). La basse pétarade, la rythmique est en béton, Joe Talbot éructe. La débauche d’énergie est incroyable, les nouveaux titres prometteurs. All Is Love.
crédit photo en-tête: ©adelap