Les nouvelles compositions bien pop du légendaire Martin Phillips ne sont pas encore à ranger aux rayons des souvenirs.


C’est peu dire que Mister Martin Phillips est l’un des derniers acteurs du Dunedin Sound. L’an zéro du son de Dunedin (Dunedin Sound donc), courant musical insulaire et néozélandais, coïncida en 1982 avec la sortie du double 45 tours (The Dunedin Double) au format 2×12″ sur le naissant label Flying Nun ; quatre formations se disputaient alors la vedette (Sneaky Feelings, The Verlaines, The Chills et The Stones). L’eau a depuis coulé sous les ponts néozélandais, on vous l’accorde, il n’en demeure pas moins que l’on est tout joyeux de retrouver Martin Phillips et son backing band – James Dickson à la basse, Oli Wilson au clavier, Todd Knudson aux futs et Erica Scally  à la guitare – soudés comme jamais et enchaînant l’enregistrement et la promotion d’un deuxième album. Snow Bound est en effet l’acte 2 du retour en grâce (à la vie) de Martin Phillips et de son line-up du moment après un come-back bien réussi en 2015 ; l’étincelant Silver Bullets mettait fin à une période très difficile (personnel et discographique) de 15 années de silence.

En 2018 Martin Phillips n’a plus rien à prouver, ses nombreuses pépites et classiques sont derrière lui. Mais à l’aune de cette nouvelle production un étrange sentiment, une crainte même nous tiraille : le musicien Phillips est-il encore capable de nous sortir de son chapeau des morceaux de la trempe des “Heavenly Pop Hit”, “Pink Frost”, “Doledrums”… ?
La liste est volontairement abrégée pour ne pas trop se faire du mal et l’histoire est loin d’être close.


Qui plus est Martin Phillips a aujourd’hui une santé plus solide, le songwriter néozélandais semble même avoir retrouvé un réel allant. Martin est sur une dynamique positive, à tous les égards. Par exemple, pour la première fois depuis bien longtemps il s’est produit dans son pays dans des salles de concert bien plus spacieuses que d’ordinaire (c’est un signe), un documentaire fouillé sur son histoire et celle de sa formation sera aussi présenté dans divers festivals l’année prochaine avant une sortie programmée en dvd. Les compositions de Snow Bound affichent cet optimisme. Sans avoir l’oreille musicale affutée l’évolution au niveau de la production et du son est bien perceptible. Les mots ont un sens c’est vrai (en décryptant ses nouveaux textes ce n’est pas forcément l’allégresse), mais le libellé lui peut s’analyser au 1er degré. Le plus flagrant : “In Harmony” – dernière étape du tracklisting – ne peut pas faire plus positif et fédérateur. Un happy end musical joyeusement rythmé en forme de bouquet final ? Non, simplement et sobrement  une mélodie entraînante à la dynamique authentique où claviers, voix et guitares sonnent joyeusement et sans fausses notes. Snow Bound est une vrai renaissance musicale pour son auteur ; quand Silver Bullets était la somme de morceaux accumulés depuis plus d’une décade, Snow Bound est lui la somme de nouvelles et récentes compositions et cela change tout ! On comprend mieux alors l’état d’esprit enjoué et excité de son auteur. Il considère d’ailleurs sa nouvelle production comme étant l’album des Chills le plus solide (attention c’est bien entendu une constante pour les artistes qui ont une fâcheuse tendance à enjoliver leur petit dernier). Vous pensez peut-être… et bien raté, car avec la persévérance arrive la récompense.
Les premières écoutes n’ont pas déclenchées un enthousiasme délirant c’est vrai. Seul émergeait “Complex” d’emblée addictif au rythme très véloce et la mélodie emballante. On a bien écouté le reste. Il en ressort quoi ?

Snow Bound est truffé de claviers et d’orgues, c’est la marque de fabrique de la formation kiwi, mais grosse nouveauté ces plages sont plus chaleureuses et bien moins nocturnes, habitées et mélancoliques que par le passé. L’unique contre-exemple est le désenchanté “The Greatest Guide” : Phillips y rend hommage aux précurseurs, défricheurs qui ont comptés : Bowie, Lou Reed, Prince.
La production de Greg Haver est dense et optimale. “Scarred” par exemple sonne comme un titre des Stranglers période Ten, la rythmique est énorme et les claviers sont percutants (à l’échelle de The Chills bien sûr) ; assurément le titre de l’album qui produit le plus de décibels à la minute donc le plus rock. A l’opposé le très pop et un brin dépouillé et nostalgique “Deep Belief” cherche et réussi à nous charmer. “Eazy Peazy” bien que légèrement plus cadencé démontre les mêmes qualités popisantes.
Un titre, un seul, ne fonctionne pas : “Lord Of All I Survey” échoue dans sa mission à nous captiver et plus grave même son refrain nous irrite légèrement. Des refrains enthousiasmants il y en a pourtant beaucoup. Snow Bound est paré de mélodies efficaces et justes dans un style pop rock basique, sobre et carré à la production luxueuse. C’est donc le programme du jour. Prime aux excellents “Time To Atone” et “Snow Bound”.

Peut-être l’une des raisons de ce réussi et rafraîchissant Snow Bound, est d’avoir été plié en trois semaines sur trois lieux d’enregistrements différents . Une nouvelle étape bien cohérente dans l’histoire de cette formation néo-zélandaise que l’on suivra jusqu’au bout du bout.

Fire Records / 2018

https://thechillsmusic.bandcamp.com/music

http://www.firerecords.com/the-chills/

Tracklisting :

  1. Bad Sugar
  2. Time To Atone
  3. The Greatest Guide
  4. Scarred
  5. Complex
  6. Deep Belief
  7. Lord Of All I Survey
  8. Snow Bound
  9. Eazy Peazy
  10. In Harmony