Un cinquième album qui maintient la barre haute pour les représentants russes de la cold wave à l’international.


Après s’être fait un nom avec la pop sombre de Calendarsecond album paru en 2012, et l’avoir confirmé avec Poverty (2015) et Dialogues (2016), les représentants russes de la cold wave à l’international Motorama signent et persistent avec un cinquième album sorti une fois de plus chez Talitres. Enregistré entre février et juillet 2018 dans l’intimité de l’appartement de Vladislav Parshin, chanteur, guitariste et leader (et c’est déjà pas mal), Many Nights donne l’occasion aux Rostoviens de renouer avec leurs sonorités fétiches, Motorama, largement inspiré par d’autres piliers de la cold-wave tels que les Mancuniens Joy Division ou New Order, tout en étoffant leur palette de teintes, notamment des sonorités africaines aux percussions, que l’on peut saisir en tendant l’oreille sur le premier titre « Second Part ». Nostalgiques de la scène new wave de l’ère soviétique, la formation a également puisé dans les compositions de Edouard Artemiev, compositeur russe de musiques électroniques et de musiques de films qui a notamment travaillé avec le cinéaste Andreï Tarkovski, l’inspiration nécessaire à l’ouverture de nouveaux horizons sonores. Le groupe s’est également plongé dans la pop néo-zélandaise (l’écurie Flying Nun) des années 80 pour travailler le son de cet album.

Amateurs de vieilles guitares au son crasseux, rangez-les au placard le temps d’une petite demi-heure et laissez place à la douceur d’un son clair et planant qui transporte. L’intro de « Voice From The Choir » rappelle, dès la première écoute, une des dernières sorties de Depeche Mode, comme un clin d’œil aux mastodontes de la new wave. Quant aux  nappes de synthé sur « This Night », The Cure n’est pas bien loin. La basse de Marchenko et la batterie de Chernov mènent la barque sur des titres comme « No More Time », laissant à la guitare lumineuse de Polivanov l’espace pour nous faire voyager loin de nos sentiers battus. Motorama apporte un vent de fraîcheur en Occident avec un album qui n’est certainement pas forgé dans l’optique de produire des tubes, mais dont l’homogénéité permet la création d’un univers propre au groupe. 

Les textes empruntent à la poésie rimbaldienne et à celle du poète russe chef de file du symbolisme russe Alexander Blok, sa mélancolie, symptôme d’une vie incertaine faite de surprises et d’un sempiternel enchaînement d’arrivées et de départs. Une narration en clair-obscur donc, comme une invitation à voyager dans un univers trouble. Many Nights offre ainsi un ticket pour l’évasion en cet automne qui débute. La pochette colle d’ailleurs avec l’atmosphère brumeuse et sauvage que dégagent ses titres. On serait presque cet homme emmitouflé dans sa parka brune (coin inférieur droit) qui cherche sa voie au milieu d’une nature immaculée encore vierge. Une nature au sein de laquelle les éléments s’épousent pour former un cosmos paradoxalement étouffant et libérateur.

Si l’on devait ajouter un petit bémol, on dirait qu’à trop vouloir surfer sur le calme et la sérénité, on peut être vite rattrapé par les bras de Morphée. Mais il est parfois important de mettre la pédale douce dans sa vie et de sortir de son train-train quotidien en se laissant porter par un son qui vient de loin.

Motorama, Many Nights (Talitres)

www.talitres.com/fr/artistes/motorama.html

www.facebook.com/wearemotorama/

Tracklisting : 

1 – Second Part
2 – Kissing The Ground
3 – Homewards
4 – Voice From The Choir
5 – No More Time
6 – This Night
7 – He Will Disappear
8 – You & The Others
9 – Bering Island
10 – Devoid Of Color