La formation psyché de Stu Mackenzie a basculé sur leur 15e opus vers le côté obscure de la force : du Thrash Metal diablement cool. 


Depuis déjà quelques pleines lunes, on s’amuse à constater que la scène psyché garage rock californienne durcit le ton. Ou plutôt le grain des guitares, pour se risquer aux frontières redoutés du metal, genre qui a toujours – ô ironie ! – suscité controverse voire mépris chez les garage rockers, entre autres. Ce drôle de phénomène s’est vérifié chez les tauliers Thee Oh Sees, dont l’avant dernier opus, Smote Reverser (2018) (flanqué d’une pochette monstrueuse que n’aurait pas renié Dio) se distinguait Overthrown, salve furieuse d’obédience psyché /stoner rock. Autre ponte garage rock contaminé par le virus metal, Ty Segall, dont le side-project Fuzz, paru en 2015, lorgnait vers les forces obscures de Black Sabbath. Dans un degré moindre d’exposition médiatique, mais tout aussi dignes d’intérêt, les fougueux californiens Zig Zags, affilié garage à leurs débuts, affiche désormais leur affiliation metal, frange 80’s, sur leur pétaradant dernier opus, They’ll Never Take Us Alive.

 Et puis voilà que les zélés australiens de King Gizzard & The Lizard Wizard s’y mettent à leur tour, repoussant encore les extrêmes avec un condensé en 35 minutes (9 titres) de Thrash Metal des écoles. Guère surprenant, après tout, de la part de ces chaméléons ultra prolifiques, qui ont déjà passé à la moulinette psyché une myriade de genres – pop-folk acidulée, rock progressif, jazz-rock, kosmik muziq ou encore blues-boogie sur l’excellent Fishing For Fishies paru au printemps dernier. 

Infest The Rats’ Nest, 15e opus qualifié donc thrash metal par ses propres géniteurs, est loin d’être une blague, et se présente même on ne peut plus sérieusement comme un concept album sur l’extinction de la race humaine (thème plutôt en vogue ces derniers temps, si vous ne l’aviez pas remarqué). Le collectif, resserré ici au format trio – soit Stu Mackenzie (guitare et chant), le bassiste Joey Walker et le batteur Michael Cavanagh – maîtrise manifestement à la perfection les codes inhérents au style, avec un savoir-faire qui laisse entendre une passion sincère pour le metal : déluge de riffs saccadés et pesant, science du break testostéroné, sans oublier le chant “growlé de Stu Mackenzie, qui ne prête pas à rougir. Hargne qui se double d’une conscience écologique – sur l’apocalyptique Planet B et son refrain sentencieux («Open your eyes and see  there is no Planet B »). Remercions l’usage délibérément parcimonieux de double pédale (qui mitraille dans tous les sens tendance fatigante chez les metalleux), ainsi que la restriction de solis malmsteeniens.

On prend donc un certain plaisir à laisser défiler ces petites pépites rock grasses, qui, sans rivaliser avec les chefs-d’oeuvre des Metal Gods, offrent à nos esgourdes un excellent dégraissage de rentrée. Avec une mention spéciale à « Self-immolate », certainement la composition la plus spectaculairement burnée du disque, où la batterie de Michael Cavanagh pilonne jouissivement. Ou encore « Perihelion”, avec son catalogue de riffs ultra speed à la Kill’em All, sur un refrain vengeur à souhait. Et puis la p’tite touche psyché des antipodes sur le poisseux « Superbug », qui vire stratosphérique (ascendant lune noire) dans son dernier quart.  Infest The Rats’ Nest s’avère loin d’être un disque anecdotique, on est prêt à parier que les Australiens rebattront le fer dans un futur proche, car cela se sent qu’ils ont pris leur pied.


 Infest The Rats’ Nest (Flightless/PIAS)

kinggizzardandthelizardwizard.com

Tracklisting :

  1. « Planet B » 3:56
  2. « Mars for the Rich »
  3. « Organ Farmer » 2:48
  4. « Superbug »
  5. « Venusian 1 »
  6. « Perihelion »
  7. « Venusian 2 »
  8. « Self-Immolate » 4:29
  9. « Hell »