Disque concept autour de la nature et de la ville, la pop indolente et contemporaine de cette nouvelle formation séduit sans effet de style superflu.


Moderne Nature voilà un qualificatif idoine pour un parti écologique responsable ! Mais pour l’heure, c’est la tribu de musiciens composée de Jack Cooper (Ultimate Painting/Mazes), Will Young (BEAK>), Aaron Nevue (Woods), Jeff Tobias (Sunwatchers) et Rupert Gillett qui s’associent pour une première sous cette appellation. Le choix de leur patronyme a été précisément inspiré par les carnets de bord de jardinier du réalisateur anglais Derek Jarman. Le cinéaste et plasticien Jarman passionné de botanique créa de son vivant un jardin hors du commun (« merveilleux ou infernal », c’est selon) avec comme incongruité d’être implanté en face de la centrale nucléaire de Dungeness située dans le sud de l’Angleterre. C’est précisément cette dualité (du paradisiaque et de l’invivable), de la ruralité et de la ville que Jack Cooper et ses musiciens ont voulu retranscrire en musique.

Il y a quelques mois le chanteur, compositeur et guitariste anglais s’est défait de sa formation Ultimate Painting. Tout comme la nature, le musicien anglais a horreur du vide ; c’est donc dans la foulée qu’il rebondit pour véhiculer ce nouveau message. La musique de Modern Nature sera la bande son d’un lieu fraternel à la croisée des villes et des campagnes.

Les différentes mélodies de How To Live cherchent à délimiter les frontières et les limites de chaque environnement (urbain ou rural) et remontent les tensions ou bien les moments de relâchements de l’individu dans chacun d’entre eux. Le résultat final est particulièrement pertinent. Les musiciens ont réussi à produire une bande son fantomatique.
L’intro est d’emblée mélancolique, “Bloom” (la fleur) est fanée, car la nature est malmenée. Le constat est implacable. Ce court instrumental au violoncelle pleure logiquement ses victimes.

De nombreuses insertions de sons et d’ambiances captés en extérieur sont intégrées chronologiquement à la musique apportant ainsi un coté réaliste et vivant à certaines compositions.
Le silence entre les notes, les plages rêveuses du synthétiseur de Young, la voix fragile de Cooper ou les cordes (le violoncelle narcotique de Rupert Gillett) mettent en exergue le sentiment de communion ou d’abandon de l’individu dans son environnement. À contrario, la situation peut-être moins sereine et bien plus anxiogène : le saxophone aux réminiscences jazz et free de Jeff Tobias, les accords saturés de guitares calés sur un rythme répétitif mais soft de la batterie du Woods Aaron Nevue, s’invitent alors par flash dans les morceaux.

Musicalement ce disque est addictif. Les musiciens jonglent adroitement entre le folk spirituel, la musique de chambre, la pop pastorale ou le post-rock limpide. Remontent naturellement quelques influences notables: Talk Talk, The Sea of the Cake ou encore Julian Lynch.

Une nouvelle journée s’annonce. Un casque stéréo rivé à nos oreilles on se replonge dans cet album. Absorbé par ces mélodies spectrales on déambule dans notre écosystème du moment (sur le bitume encombré ou dans la campagne désertée, c’est selon). Chaque nouvelle mélodie nous fait rêver et espérer, mais surtout, grandement apprécier notre situation. Finalement, on est bien ici et qu’importe donc le lieu !

Bella Union / 2019

https://www.modernnature.band/

https://www.facebook.com/modernnatureuk/

Tracklisting :

  1. Bloom
  2. Footsteps
  3. Turbulence
  4. Criminals
  5. Seance
  6. Nightmares
  7. Peradam
  8. Oracle
  9. Nature
  10. Devotee