Le miraculeux trio Bonny Light Horseman dépoussière le classicisme folk.  Intemporel et totalement envoûtant.


Quelques accords de guitare folk suspendus au temps, un micro captant au plus près la paume d’une main chaude, le frisson de voix à l’unisson, le tout enveloppé d’une réverbe spectrale… La formule semble simple et éculée, et pourtant, nous voilà à nouveau pris de vertige par cette émotion folk à fleur de peau. Pour tout dire, nous n’avions pas vu venir le premier album du trio folk nord-américain Bonny Light Horseman. Derrière ce cavalier de lumière, se cache pourtant quelques noms qui nous parlent, même si indirectement pour certains. 

Honneur au plus familier de cette rubrique, le trop méconnu Eric D. Johnson, leader du groupe pop-folk Fruit Bats (écoutez son superbe dernier album dont nous vous parlions cet été), ancien collaborateur des Shins, dont le groupe a souvent été comparé dans leurs années Sub Pop. A ses côtés Anaïs Mitchell, songwriter originaire du Vermont auteur de déjà sept albums, ainsi qu’une comédie musicale « Hadestown”, succès retentissant à Broadway. Quant à Josh Kaufman, l’homme de l’ombre, un touche-à-tout qui multiplie les casquettes de songwriter, producteur et arrangeur, pour des pointures telles que The National, The Hold Steady ou encore Paul Banks (Interpol).

Le destin de ses trois amis de longues date, aux calendriers respectifs déjà bien remplis, se croise grâce à une invitation des éminents Justin Vernon (Bon Iver) et Aaron Dessner (The National), par ailleurs membres du collectif 37d03d (PEOPLE), qui organisent en 2018 une résidence artistique à Berlin. Le trio ne résiste pas à la tentation et traverse l’Atlantique pour s’atteler à revisiter quelques chansons folk traditionnelles. Le courant passe comme on dit, ils enregistrent rapidement six chansons durant ce séjour berlinois et décident de ne pas en rester là. De retour en leur patrie, quatre autres morceaux sont gravés aux studios Dreamland à Woodstock en Janvier 2019.

Moderne et intemporel

Malgré les différentes sessions studios sur les deux continents, les dix titres de ce premier album respirent la parfaite harmonie, dans un écrin à la fois moderne et intemporel :  Intemporel pour son caractère épuré et les mélodies mémorables de ces standards traditionnels ; moderne car la production fourmille de détails, d’arrangements subtiles, tout en privilégiant la proximité, le contact mystique entre les musiciens. Équilibre rare. D’autant qu’une quinzaine de musiciens figurent également sur les crédits, notamment Aaron Dessner, Kate Stables (de This Is The Kit), Lisa Hannigan, The Staves, Christian Lee Hutson…

On pense de fait au formidable album du collectif Headless Heroes paru il y a une douzaine d’années, collections de reprises rock et folk où se distinguait notamment l’une des meilleurs performance d’Alela Diane sur une version l’inoubliable de “True Love Will Find You in The End” de feu l’ami Daniel Johnson. Bonny Light Horseman est du même acabit, ce genre de disque où tout coule de source. L’évidence même. 

Dix chansons sur les thèmes perpétuels de l’amour et de la perte, thèmes bien entendus inusables car nous affectant tout au long de notre vie. La voix de Anaïs Mitchell à la douce mélancolie domine la marche, nous enveloppe sur « The Roving », le fantômatique « Jane Jane » où encore la chanson titre qui ouvre majestueusement l’album. Eric D. Johnson s’empare de son côté de “Deep In Love”, formidable pépite à l’origine un brouillon des Fruit Bats. A noter que Justin Vernon s’invite sur les chœurs de « Bright Morning Stars », pour notre plus grand bonheur.  De fait, il serait difficile de se tromper avec une telle collection de chansons qui ont déjà vécu l’épreuve du temps. Encore faut-il y avoir le bon goût de les choisir, et de les réarranger avec une telle sensibilité moderne. Le voyage pastoral dont nous invite Bonny Light Horseman mérite toute notre confiance, et bien plus.

37d03d / Differ-Ant – 2019

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Tracklisting : 

  1. Bonny Light Horseman 4:31
  2. Deep In Love 5:09
  3. The Roving 4:21
  4. Jane Jane 3:07
  5. Blackwaterside 3:26
  6. Magpie’s Nest 4:59
  7. Lowlands 3:30
  8. Mountain Rain 2:40
  9. Bright Morning Stars 2:06
  10. 10, 000 Miles