Premier escapade en solo réussie pour le leader charismatique des Afghan Whigs.


Personnage charismatique du rock alternatif US (dont les larges épaules sont dignes d’un footballeur américain), Greg Dulli a négocié avec brio la reformation de son légendaire groupe The Afghan Whigs en 2012, puis enfoncé le clou avec deux albums grandioses, In Spades (2017) et surtout Do To The Beast (2014). 

Rétrospectivement, l’homme à la voix chaude s’est d’ailleurs rarement planté en plus de trente années de carrière : à l’exception, peut-être, du premier album en demi-teinte des Twilight Singers ou l’anecdotique Amber Headlights sorti sous propre nom en 2005, peu de déchets sont à recenser dans son imposante discographie. C’est peut-être, d’ailleurs, davantage par honnêteté artistique que par déni que le rocker quinqua ne considère pas Amber Headlights comme un album solo, mais plutôt un “projet”. Random Desire ayant désormais la faveur officielle de Dulli, ce baptême du feu en solitaire repose davantage sur la forme artistique que sur le fond : ses talents de compositeur et parolier étant acquis depuis des lustres, le défi inédit reposait cette fois sur la capacité à gérer seul le reste, sans son groupe. 

Greg Dulli a ainsi assuré l’essentiel des parties instrumentales (basse, guitare, orgue, mellotron, orgue, batterie, percussions…), avec tout de même les interventions parcimonieuses du guitariste Jon Skibic (Afghan Whigs) sur huit morceaux, du bassiste Mathias Schneeberger (Twilight Singers) sur quatre, ou encore le multi-instrumentiste Rick G. Nelson, Dr. Stephen Patt à la pedal steel (sur le final « Slow Plan »), ainsi que le batteur Jon Theodore (Queens of the Stone Age, The Mars Volta) sur « It Falls Appart ».  

Si “Pantomima” ouvre l’album dans une veine urgente, limite post-punk, la suite révèle des ambiances plus variés, plutôt intimistes d’ailleurs, en offrant un condensé des différentes facettes du musicien développées tout au long de sa carrière, que ce soit avec les Whigs ou les Twilight Singers. Notamment des compositions intimistes orné d’arrangements atmosphérique soignés (“Marry Me”, “Slow Pan ») qui font écho aux « chanteurs du crépuscule », en passant par le rock teinté de soul des Afghan Whigs avec “Sempre” et “The Tide” (superbes paroles sur une trahison). 

Finalement, c’est plutôt la voix qui nous surprend, plus crooner que d’accoutumée, Dulli modulant étonnamment son timbre sur l’original “Lockless” (impulsé par une boîte à rythme et des trompettes galvanisantes) et “Scorpio”, le meilleur morceau de l’album, dopé par une magnifique envolée au piano, et nous prouve encore une fois le talent de ce chanteur d’exception.

Pas vraiment de remise en question donc, mais du bel ouvrage tout de même, des compositions de haute volée, et une nouvelle solide pierre à ajouter à l’édifice de Monsieur GregDulli.

ROYAL CREAM/ BMG – 2020

 www.gregdulli.com

Tracklisting:

1. Pantomima
2. Sempre
3. Marry Me
4. The Tide
5. Scorpio
6. It Falls Apart
7. A Ghost
8. Lockless
9. Black Moon
10. Slow Pan