Rencontre avec le bien nommé duo Hey Hey My My, à la suite de la sortie de leur brillantissime troisième album, « British Hawaii », paru le 20 mars.
On se souvenait des gimmicks chantonnants de leur tout premier album éponyme en 2007. On se souvenait du contre-coup rock et punchy de leur second opus paru en 2010, A Sudden Change of Mood, lors duquel ils nous avaient bien signalé qu’on ne pourrait faire d’eux les simples rejetons français de la musique anglo-saxonne pop et folk. A la suite de dix rondes années de silence, pendant lesquelles les deux Julien Gaulier et Garnier n’ont en réalité cessé de bricoler des mélodies, Hey Hey My My refait aujourd’hui irruption avec British Hawaii.
Pour eux, une troisième exploration hédonique fonctionnant comme une boucle temporelle. Pour nous, une vague de chansons pop à écouter, picorer et garder sous le coude en ces temps flous. Entretien.
Pinkushion : Dix années se sont écoulées depuis votre second album A Sudden Change of Mood sorti en 2010. L’occasion pour vous de faire le point sur votre musique ?
Julien Garnier : Oui, il y a du vrai dans ce tu dis. On a eu deux belles expériences avec le premier et le second album, même si le second a été moins bien compris. Il nous a fallu un petit peu de temps et on a dû appuyer sur « reset ». Au départ, on est partis un peu dans tous les sens. Et puis, au fur et à mesure des années, nous est revenue tout naturellement l’envie de faire de la musique jouée. Une musique avec moins d’expérimentations que sur l’enregistrement du deuxième album, lors duquel on était partis sur des digressions électro. On s’est recentrés sur des formats chansons plus classiques et plus pop.
Julien Gaulier : Je nous considère comme des « semi-pros », en quelques sortes. On avait aucune obligation de devoir absolument sortir un troisième album. On a donc pris notre temps. Déjà pour définir la voie dans laquelle on voulait s’engager. Et puis, chacun de notre côté, on a eu des activités qui nous ont occupées. On a commencé à produire des démos en testant beaucoup de choses différentes. Puis, on s’est réellement demandé ce qu’on aimait dans la musique. Et plus que le travail de studio, ce qui nous stimulait avant tout c’était de jouer. On a alors mis à la poubelle pas mal de démos pour retrouver des prises live et aller chercher ce son plus classique de la pop et du folk. C’est ce qui nous a fait plaisir et on l’assume complètement avec British Hawaii.
La production de cet album sonne en effet rétro, avec un son plus brut que sur A Sudden Change of Mood (2010). Finalement, très peu de groupes français sur le devant de la scène continuent à coller à cet aspect « pop rétro », vous ne trouvez pas ?
Julien Gaulier : C’est tout le problème de vouloir à tout prix coller à un type de son, et plus spécifiquement au son actuel. En l’occurrence ici, on ne voyait pas l’intérêt de passer à la moulinette notre musique pour la calquer sur des sonorités plus électro, qui colleraient peut-être davantage au son pop actuel mais enlèverait tout le sel de ce qu’on sait faire. Par exemple, dans le mastering, on a aujourd’hui tendance à automatiquement compresser au maximum le son, pour qu’il atteigne un niveau très fort. Mais l’intérêt c’est aussi d’avoir selon moi des évolutions sonores au sein d’un même titre, retrouver plus de nuances. Si on s’était mis dans la tête de recaler toutes les prises en rajoutant de l’électro, pour moi ça n’aurait pas été intéressant.
Julien Garnier : Sur le deuxième album, on s’était entourés de Tony Hoffer (Supergrass, Air, The Kooks, Beck) au mix. On avait suivi sa direction artistique. Cette fois-ci on a échangé avec Etienne Caylou, qui a mixé l’album. On a dialogué sur chaque titre, et peut-être que cette authenticité est née de cet échange et de cette volonté de laisser aux instruments leurs sons originels sans chercher à trop triturer.
British Hawaii c’est le titre de cet album, et c’était le nom d’un de vos premiers groupes de musique au début des années 2000.
Julien Gaulier : En effet, British Hawaii était le nom d’un de nos groupes à l’époque. On faisait du punk-rock. On avait également une formation du nom de Migraine Institute. Et puis à côté de tout cela, on commençait à faire des chansons plus folk et plus posées, et c’est ce qui est devenu Hey Hey My My. Le deuxième album du groupe, A Sudden Change of Mood, était d’ailleurs plutôt vénère, en lien avec nos intentions plus rock de l’origine. British Hawaii, c’est donc un titre un peu « hommage » qui établit comme une sorte de boucle temporelle pour nous.
Julien Garnier : Le titre fonctionne aussi un peu comme une private joke.
Julien Gaulier : Une private joke avec les quinze ou vingt personnes qui connaissent l’existence du groupe British Hawaii (rires). Il faut noter que l’album du groupe est toujours écoutable sur les plateformes ceci dit. En tout cas, ce titre fait aussi référence à l’étendue de nos influences qui vont des groupes anglais aux groupes californiens, en passant par Hawaii.
L’album est en effet parcouru de morceaux qui sonnent parfois californien, on pense alors automatiquement à Weezer ou Pavement, et parfois anglais avec des clins d’œil nets aux Beatles. On a donc envie de savoir qui est le californien et qui est l’anglais du groupe ?
Julien Garnier : On a écouté à peu près les mêmes choses avec Julien. Il y a peut-être une différence, mais elle n’est en tout cas pas liée à nos influences. Mais oui, tu as raison, il y a peut-être un peu de Pavement, un petit peu de Weezer, et je pense aussi à Neil Young sur le titre « Tennessee » par exemple.
Julien Gaulier : Je pense qu’en termes de compositions Julien Garnier est peut-être plus californien et moi plus anglais. Certains titres sont aussi des mélanges qui prennent parfois des routes insoupçonnées. On essaye de voir au fur et à mesure ce qui sonne le mieux pour les morceaux en question. Evidemment, on ne prévoit pas à l’avance de sonner « anglais » ou « californien ». Et puis, à la base, notre existence-même est relativement bizarre. Il faut dire qu’on est des français qui chantent en anglais. On fait une musique qui n’est pas forcément actuelle. Ça ne nous dérange pas de jouer avec ces références, mais on ne s’en rend pas forcément compte.
On vous sent très à l’aise depuis votre premier album dans la confection de mélodies instantanément appréciables avec des structures de chansons mémorisables. Pour vous c’est ça une chanson parfaite ?
Julien Gaulier : Oui évidemment, on aime beaucoup ça. Mais quand on compose, on ne sait pas ce que vont donner les chansons. On en fait beaucoup et puis on fait des tris. Donc là, on a dû faire un tri sur 10 ans pour rechercher la veine de chansons dont tu parles. On aime bien arriver à une sorte d’évidence pop, si toutefois on peut réussir à la trouver. Mais on n’en sait rien au moment de la composition bien entendu. On est aussi assez « flemmards » donc quand cette évidence pop arrive, tant mieux, mais on n’a jamais vraiment su la maitriser. On a aussi parfois besoin de cette naïveté qui nous aide à composer. Des chansons pop parfaites, il y en plein. Il y en a plein chez les Beatles dont tu parlais par exemple.
Julien Garnier : Pour prendre l’exemple de « A True Story », morceau de notre premier album (Hey Hey My My, 2007), on était à l’époque dans un supermarché, j’ai commencé à faire des accords à la guitare et Julien a trouvé en trois secondes une mélodie. Je ne suis pas en train de dire que c’est ce qui définit une chanson parfaite mais cette immédiateté de la création est forcément intéressante.
Julien Gaulier : Le cerveau garde ce côté instinctif et connait souvent les meilleurs raccourcis pour trouver les meilleures mélodies. Ces dix dernières années on a donc aimé passer notre temps à rêver. C’est à partir de là que l’on peut tirer des fils qui deviennent intéressants, auxquels les gens pourront, on l’espère, se raccrocher. Il y a toujours plusieurs niveaux d’écoute. En ce qui concerne l’écoute immédiate, on assume de se positionner sur une musique légèrement « hors-du-temps actuel ». Par contre, on espère qu’après cette première écoute, les auditeurs pourront rentrer encore mieux dans les morceaux et pourquoi pas y entendre des choses insoupçonnées. Peut-être que l’on n’est pas dans un rapport d’efficacité par rapport à la pop actuelle plus produite, mais on reste très attachés à ce côté « pop à l’ancienne ».
Vous parlez de rêves et de naïveté. Quand on vous écoute, et ce depuis votre premier album, on a effet à chaque fois l’impression, et ce n’est pas du tout péjoratif, d’écouter une bande de potes à l’énergie très adolescente. Qu’est ce que vous en pensez ?
Julien Garnier : C’est très difficile à conserver. Sur le premier album on produisait de manière un peu artisanale, do-it-yourself, avec une naïveté certaine. On l’a perdue par la suite, on essaye de la retrouver, de chasser le côté trop scolaire.
Julien Gaulier : C’est difficile à conserver aussi par peur du ridicule. Parfois on se dit « non, là, ça ne va pas, c’est trop proche de nos sentiments, on ne peut pas faire un truc pareil. » Ce qui est difficile c’est de garder une forme de simplicité sans y risquer sa peau, tout en gardant une dose de sensibilité. C’est à chaque fois difficilement quantifiable et évaluable. Ça me fait penser au groupe Big Thief que j’ai beaucoup écouté récemment. On retrouve chez eux le fait de jouer ensemble avec une production simple : basse, batterie et deux guitares. Pour nous ça c’est très important. On est peut-être un peu passéistes, même si par ailleurs on aime plein de choses en musique électronique.
Finalement, vos meilleurs titres sont ceux qui ont été écrits de cette manière-là ?
Julien Gaulier : En tout cas, on a essayé de ne mettre que ces morceaux-là sur l’album. On a d’autres chansons qui ne se trouvent pas sur le disque et pour lesquelles, après avoir tout tenté et tout essayé, ça ne fonctionnait pas. Évidemment, pour nous-mêmes c’est compliqué de choisir les titres et notamment les singles. Pour « Plastic Life », « Egija » et « The One I Call » on a sans doute senti qu’il se passait quelque chose, avec un aspect entraînant et mélodique peut-être.
Merci à vous deux pour votre disponibilité en cette période trouble. Votre album nous a fait du bien ! Un dernier mot ?
Julien Gaulier : Bon courage à vous, à la maison. La sortie d’un nos albums est en temps normal relativement insignifiant et là, évidemment, encore plus. Ceci dit, si notre album a un aspect réconfortant en cette période, tant mieux.
Julien Garnier : On a beaucoup discuté avec Julien du fait de maintenir la sortie de l’album ou non à cette date. Et finalement on s’est dit que si on pouvait apporter une petite bulle d’air et un peu de baume au cœur à des personnes … La musique c’est aussi ça, tout simplement.
https://www.facebook.com/heyheymymyband/
Hey Hey My My sera en concert à La Boule Noire (Paris) le 3 novembre 2020
https://presave.io/t/britishhawaii
Tracklist :
1 – Plastic Life
2 – Egija
3 – Tennessee
4 – Saturday
5 – The One I Call
6 – July
7 – Go To Your Town
8 – All Alone
9 – Vol Au Vent
10 – Bottleman
11 – A Place
Vietnam/Because (2020)