Une œuvre intime, mélancolique et personnelle de folk indé bien maitrisée.
De toutes parts les louanges pleuvent sur le deuxième album de la californienne Phoebe Bridgers. Cette nouvelle collection de fragiles vignettes indie, concoctées par la chanteuse-compositrice de 25 ans, pose il est vrai une atmosphère confidentielle non dénouée de charme pour peu que l’on y reste attentif. Sa musique impassible et intérieure installe un dialogue privilégié entre la musicienne et son auditeur.
Phoebe Bridgers enregistre en 2015 un premier EP (Killer) au PAX-AM studio de Los Angeles propriété de Ryan Adams. Ce premier pas discographique produit par le songwriter américain sera le point de départ d’une reconnaissance qui va naturellement aboutir en 2017 à son premier LP le spectral Stranger in the Alp. Plusieurs collaborations abouties avec Lucy Dacus et Julien Baker (Boygenius) ou Conor Oberst (Better Oblivion Community Center) étofferont son CV. Punisher son second LP est aujourd’hui le point d’orgue de sa jeune carrière et vient parachever son irrésistible ascension.
Illustré par une belle pochette au paysage lunaire, Punisher est parcouru par quelques sommets tout particulièrement magnétiques. Le chant fragile de Phoebe Bridgers est alors serti par une instrumentation raffinée et basée notamment sur les cordes discrètes de violon qui apportent un éclat acoustique et un caché orchestral à ses mélodies. Ces vignettes musicales sont dans ces instants précis tout droit sorties de la besace du musicien de l’Illinois Sufjan Stevens. Le summum de cette ascendance est atteint sur « Graceland Too ».
« Chinese satellite », avec son discret parterre de violons, ainsi que la ballade « Savior Complex », enjolivée par une six-cordes nylon, sont deux autres pièces maîtresses de ce rendez-vous. La musicienne californienne a aussi bon goût : les paroles de l’éponyme « Punisher » font référence à un dialogue fictif entre la musicienne et le regretté Elliott Smith disparu en 2003.
Si le chant chuchoté de Bridgers et l’orientation musicale indé-folk en chambre dominent l’ensemble, Punisher ne souffre pas dans son ensemble de baisse de régime mélodique. A l’exception toutefois de deux titres, « Halloween » et « Moon Song » , placés au cœur de cet opus font clairement baisser le curseur de notre satisfaction par leurs sévères manques de personnalité et leurs franches monotonies. « Savior Complex » est in extremis sauvé par son instrumentation acoustique un peu plus varié et complexe.
Phoebe Bridgers a eu la clairvoyance de placer ici et là quelques mélodies un peu plus pétaradantes : « Kyoto » avec sa ligne de basse et sa section de cuivre jaillissante, la pop atmosphérique de « ICU » ou pour finir la seconde partie de « I Know the End » avec son final épique, font toutes office de mélodies ‘endiablées’ ou de mini tornade grunge et viennent alors casser une certaine fadeur et complaisance.
Phoebe Bridgers fait preuve de réelles qualités de compositrice. Mais Punisher est-il pour autant le disque majeur de cette année en court ? L’année 2019 pas si loin de nous en perception (malgré ou à cause de la crise sanitaire) avait couronné deux autres californiennes : Jessica Pratt et Natalie Mearing de Weyes Blood. La base de comparaison est là.
Dead Oceans / PIAS – 2020
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Tracklisting :
- DVD Menu/Garden Song
- Kyoto
- Punisher
- Halloween
- Chinese Satellite
- Moon Song
- Savior Complex
- ICU
- Graceland Too
- I Know The End