Ce sextet londonien débridé semble n’avoir peur de rien, jusqu’à créer un pont entre Slint et Fat White Family


Black Country, New Road. C’est le résultat d’une recherche aléatoire sur le site Wikipedia.org, comme un majeur levé a tous ceux qui cherchent du sens aux créations artistiques. Pourtant, ces derniers résistent, et une poignée de fans recherchent activement cette mystérieuse route, qui serait perdu dans les Midlands, et traversée par une ligne de chemin de fer menant a une lugubre usine désaffectée. Pour Isaac Wood, chanteur du groupe en question, elle n’existe pas. Mystère.

Trois filles, quatre garçons, la vingtaine. Une partie d’entre eux de formation classique (conservatoire de Londres), l’autre, autodidactes. Certains jouent parallèlement dans une formation de musique Klezmer (musique traditionnelle juive), tous sont entre autres fans de Slint. Et sont reconnaissants envers des groupes comme Fat White Family, pour leur originalité, leur éclectisme sans limites qui n’a pourtant pas freiné leur popularité. Ils ont des physiques de jeunes intellos, très juvéniles, a l’opposé des rockers virils, ou des punks dévergondés. Un commentaire prit à la volée sur un de leurs post sur Facebook : « Only by looking at their faces, I know I will not like their music ». On ne peut pas plaire à tout le monde.

Repéré par Dan Carey (producteur entre autres de Black Midi, Squid, Fontaines D.C, Warmduscher), déjà nommé « Britain Best New Band » par le magasine Mojo en 2020 (alors que seulement trois titres étaient alors disponibles), déjà affuté en termes de merchandising (ils ont une bière IPA à leur nom avec des paroles du titre « Sunglasses » inscrit dessus), grands amis des Black Midi (avec qui ils improvisent sur scène sous le nom de Black Midi, New Road), et donc adroits pour créer du buzz (confère ci-dessus), le septuor originaire du sud de Londres jouissait d’une grosse hype dès la sortie de leur premier titre, « Athens, France ». Et quel titre ! Ambiance post-punk arty, spoken word avec un fort accent Anglais, de cette voix de géant pourtant chevrotante, vindicative, d’une arrogance que seuls les britanniques parviennent à rendre exquise.   

Le second titre posté, « Sunglasses », existe sous différentes versions, plus ou moins longues et bruyantes, et fait étalage de leurs talents : par cette introduction faite de quelques notes, sur une distorsion parfaite, simple. Ces paroles, incompréhensibles, qui pourtant touchent l’âme. Ces variations, troublantes, conceptuelles. La voix de Isaac Wood, par sa fragilité, fait baisser la garde, pour ensuite mieux nous percuter. Et puis il y a ce saxophone, frénétique, insaisissable, qui virevolte et nous fait vivoter. On le retrouve sur « Science Fair », troisième titre connu avant la sortie de l’album, fait du même bois : lugubre, arty, avec un final dantesque.

For the First Time étant composé de seulement six titres, que nous reste-t-il à découvrir sur l’album ? Tout d’abord, les titres précités ont été réenregistrés. Mieux produits, parfois légèrement adoucis (ce qui est dommage). Les trois titres supplémentaires dépassent bien sûr le simple habillage : « Instrumental » et « Opus », respectivement en introduction et en conclusion de l’album, lorgnent toutes deux allégrement vers la musique traditionnelle juive, avec une montée qui n’aboutit pas, puis reprend, puis aboutit, tandis que « Track X », apporte une touche de douceur. Soyons honnête, ceux qui suivent BC,NR depuis quelques temps seront sans doute un peu déçus de ne retrouver que ces trois (pourtant très bons) titres en plus des trois titre connus. Pour les autres, For The First Time sera peut-être une grande découverte : « on découvre que 20% de ceux qui écoutent notre musique l’aime vraiment, 50% s’en foute complètement, et 30% la déteste ». A vous de voir.