Quatre ans après What a Boost, l’Anglaise revient avec un album organique, où sa folktronica organique se drape d’introspection.


Sur la pochette de What a Boost, le précédent album de la songwriter anglaise Rozi Plain, la couverture montrait l’artiste de dos, capuche remontée, un terrain de sport en arrière plan. Cette fois, la native de Winchester (Hampshire), basée actuellement à Londres, se présente de face, radieuse, son visage prenant la lumière derrière une étendue d’eau calme. Peut-on interpréter une volonté de s’épanouir vers de grands espaces ?

Croisée en première partie de Devendra Banhart ou François & The Atlas Mountains, Rosalind Leyden de son vrai nom, est devenue en l’espace de quinze ans et quatre albums solo, l’une des musiciennes outre-manche les plus novatrices. Novatrice non dans une perspective futuriste, mais plutôt pour son talent d’être en phase avec son époque. Rozi Plain confectionne une musique à l’éthique DIY, sensible et avant-gardiste, à la fois accessible et sophistiquée, où diverses couches électro et rythmiques minimalistes s’entremêlent à sa voix fragile et ses arpèges épurés de guitare (celle-ci fabriquée par ses propres soins).

Photo Credit – Yoshino Shigihara

Après l’orientation jazzy prononcée de What a Boost (2019), l’ex bassiste de This is the Kit lorgne cette fois vers les horizons cotonneux de la folktronica contemplative, voire naturaliste. A vrai dire, folktronica n’est plus exactement le terme, car nul trace de six-cordes acoustique sur ces chansons. Mais la voix pausée de Rozi Plain et son écriture dans la tradition folk demeurent. Si la teneur d’ensemble sur le plan des paroles se veut introspective, l’Anglaise s’est à l’inverse entourée d’un nombre inhabituel de collaborateurs, notamment ses musiciens de tournée, le batteur Jamie Whitby-Coles, le bassiste Amaury Ranger, le guitariste James Howard et le pianiste Gerard Black. Mais aussi une palanquée d’invités parmi lesquels les saxophonistes jazz Alabaster (Plume) et le californien Cole Pulice, le claviériste Danalogue de Comet Is Coming, Rachel Horwood du trio post-punk londonien Trash Kit (au banjo et au chant), ainsi que la harpiste Serafina Steer (Bat For Lashes, Jarvis Cocker).

Les musiciens crédités ont beau être nombreux, il émane de l’ensemble de ces dix titres un calme olympien. La combinaison entre ces musiciens et l’univers de Rozi Plain peut mener vers des territoires inattendus. Comme sur l’irrésistible “Help” où le saxophone de Cole Pulice sonne à s’y méprendre comme des cordes, tandis que la guitare de James Howard évoque plutôt un accordéon.“Agreeing for Two”, qui ouvre élégamment l’album,  semble construit autour d’une boucle d’arpèges de guitare, où s’agrège ensuite des nappes atmosphériques, le saxo d’Alabaster et les harmonies entrelacées de Rozi Plain et Kate Stables de This Is The Kit.  “Conversation”, dont la ligne de basse serpente étrangement à la manière de Pinback, met superbement en valeur le chant doucereux de Plain. Sur “Prove Your Good”, ses arpèges de guitare tranquilles, gentiment parasités par des sons synthétiques, se veut une réflexion sur le combat intérieur que nous menons, celui d’essayer d’être bon ou de ne pas être mauvais.

Nous avons lu chez un confrère que cette musique semble s’inspirer de la nature, mais passée dans un filtre électronique, et c’est tout à fait ça. Cette musique mouvante procure la douce sensation d’un flocon de neige se posant doucement une étendue blanche, ou encore celle de souffler sur un pissenlit pour voir s’envoler ses aigrettes. Un vœu (de plénitude pour le coup) exaucé par notre paysagiste Rozi Plain.

Memphis Industries – 2023

https://www.roziplain.co.uk/

Tracklisting :

1. Agreeing For Two
2. Complicated
3. Help
4. Prove Your Good
5. Conversation
6. Painted The Room
7. Sore
8. Spot Thirteen
9. Standing Up
10. Blink

En concert :

10.02 – Lille – Le Bazar St So
11.02 – Paris – Le Hasard Ludique
12.02 – Saint-Nazaire – Le VIP
14.02 – Rennes – Des Pies Chicaillent
15.02 – Bordeaux – Blonde Venus