Sur son premier album, le quatuor parisien fait preuve d’une agilité époustouflante à manoeuvrer son post-rock pour épouser divers styles, entre tempête et accalmie.


Aussi incongrue que cela puisse paraitre, la maitrise du silence peut être un atout majeur pour un groupe de rock. Son placement, sa durée, ce qui l’encadre. L’espace. Après tout, le musicien ne peint-il pas sur le silence ? La sortie de cet album est un petit événement dans le microcosme indé, un album attendu depuis la parution de l’EP Nothing Belongs To Anything en 2020. Un jeune groupe, autrefois duo jouant plutôt du Jazz, s’essayait à une sorte de post rock ambient, qui étonnait par la beauté de ses sons clairs, puissants, que venaient régulièrement ravager stridences et distorsions.

Bien que différents sous divers rapports, c’est le son de Mogwai qui venait alors à l’esprit. Avec la sortie de It Turns Pale, c’est inévitablement au chef-d’œuvre de Slint, Spiderland, que l’on pense. Eux font mine de ne pas saisir la comparaison, puis avoue un peu plus loin avoir galéré un temps pour retrouver les effets de guitare de Brian MacMahan. La délicatesse, les compositions, l’émotion, nous ramènent à ce chef d’œuvre fondateur du post rock, mais nos quatre Parisiens sont loin de s’y limiter. Ils font même preuve d’une agilité époustouflante pour épouser divers styles, sans perdre leur griffe si caractéristique : on pense ainsi parfois à la hargne minutieusement négligée de Sonic Youth sur « Tangerine », ou de courts riffs de guitare très électriques posé sur une musique éthérée, façon Radiohead, sur « Braindow ». Et puis ces silences, donc, posés çà et là, courts, et qu’ils ont le génie de rendre beaux.

Tout semble parfait. Le tempo de batterie impressionne dès « Crazy Horse », les guitares s’entremêlent, délicates (« Easy Things »), créant des ambiances vaporeuses, qu’il est évidemment très tentant de saccager à coup de saturation et de larsens. La basse est impeccable, et donne un registre nouveau à Lola Frichet (de Pogo Car Crash Control), qui s’illustre également sur les chœurs. Ceux-ci manqueront certainement en live et sur le prochain album (elle a annoncé quitter le groupe au moment de la sortie de l’album). Et puis le chant de Nils Bö, qui fait passer le tout dans une autre dimension, mélange de fragilité et de férocité, en parfait accord avec les compositions, donc. Une musique qui pourrait aisément traverser nos frontières, et que l’on peut d’ores et déjà annoncer comme une des révélations de 2023. Puisse-t-il y avoir encore plusieurs autres sorties de cet acabit cette année.

Label : Nouveau Monde Artistes Services
Distributeur : A Tant Rêver Du Roi – Baco Distribution

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Tracklisting:

  1. Crazy Horse
  2. Tangerine
  3. Evening
  4. Easy Things
  5. Braindow
  6. Mind Facilities
  7. It Turns Pale
  8. Clouds Are Not Really Moving
  9. Sinner God
  10. Slow Divers