Carl Newman, c’est un peu le Didier Deschamp de la power pop, personne ne manage aussi bien dans la durée sa super team.


Neuvième album, et premier sur le label Merge pour les orfèvres pop au nom moins délicat, emmené par le cerveau Carl Newman. Quatre années (et une pandémie) nous séparent de leur précédent opus, In the Morse Code of Brake Lights (2019), soit peut-être le plus long écart entre deux disques pour les tauliers de la power pop outre-atlantique. Mais on peut relativiser et trouver des circonstances atténuantes (un virus planétaire par exemple), venant d’un groupe considéré comme un modèle de constance et de longévité. A peine serait-on déçu de constater que le super groupe originaire de Colombie-Britannique (Canada) se fasse de plus en plus rare par chez nous, leur dernier concert en France remontant à… 2017. La tournée commémorative des albums Mass Romantic/Twin Cinema voilà deux ans n’ayant même pas franchi l’océan Atlantique. 

En dépit des récents départs de la vocaliste Simi Stone et du claviériste Blaine Thurier, les fondamentaux ne bougent pas beaucoup sur cet album peaufiné par Newman dans son fief des Catskills (Woodstock), puis rejoint par ses compatriotes Neko Case, Kathryn Calder, John Collins, Todd Fancey et Joe Seiders. On retrouve les traditionnels partenaires, soit les prestigieux « intervenants”, Neko Case au chant/chœurs et Dan Bejar , ou sur le plan sonique, l’apport de sonorités synthétiques depuis Bill Bruisers. C’est le cas notamment du single “Really Really Light”, superbe entrée en matière, unique titre  co-écrit avec Dan Bejar, doté d’un refrain incandescent, magnifié par les intenses choeurs à l’unisson de Case et Newman. Autres tourbillons mélodiques, « Wish Automatic Suite » et « Last and Beautiful », dans une veine folk-rock nerveuse, ne dépareillerait pas sur Twin Cinema.

En rentrant dans les détails, Continue as a Guest, laisse poindre une profondeur plus poussée dans les textures et les ambiances, les morceaux les plus atmosphériques étant par ailleurs interprétés uniquement par Neko Case, notamment le chatoyant « Cat and Mouse With the Light » (admirez la sophistication des arrangements!) et « Marie and the Undersea », aux jolies nappes contemplatives. Le saxo ténor de Zach Djanikian contribue à élargir la palette sonore du disque, notamment le référencé « Pontius Pilate’s Home Movies », improbable greffe entre Roxy Music et une rythmique motorik façon Neu! Autre étrange pièce bénéficiant des services du sax tenor, l’hypnotique et tendue chanson titre de l’album Continue as a Guest, dont les paroles se nourrissent des interrogations de Carl Newman sur la longévité hors-norme de son groupe dans ce music-business. 

Autre surprise et grande réussite, « Angelcover », electro pop sombre d’obédience New Order façon “Blue Monday”, dont les paroles évoquent les désordres de l’inspiration d’un musicien en plein confinement, du moins c’est ce que l’on suppose car les paroles de Newman sont toujours très riches et cryptiques (sur ce tableau là, James Mercer des Shins semble le seul à évoluer dans la même catégorie de parolier surréaliste). D’autres morceaux prennent davantage leur temps de développer leur charme, tels “Bottle Episodes” et l’onirique « Firework in the Falling Snow”, co-écrit avec Sadie Dupuis (Speedy Ortiz). 

Désormais la barbe épaisse, le quinqua Carl Newman est un peu le Didier Deschamp de la power pop, personne ne manage aussi bien dans la durée sa super team.

2023 – Merge / Modulor (sortie le 31 mars)

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Tracklisting :

1. Really Really Light (3:21)
2. Pontius Pilate’s Home Movies (3:54)
3. Cat and Mouse With the Light (3:59)
4. Last and Beautiful (4:18)
5. Continue as a Guest (4:24)
6. Bottle Episodes (4:12)
7. Marie and the Undersea (4:42)
8. Angelcover (3:31)
9. Firework in the Falling Snow (3:22)
10. Wish Automatic Suite (5:20)