Le troisième album de Tom McRae, montre une nouvelle fois l’intensité et la maîtrise de la plume de l’anglais. Distingué, profond et touchant, un disque tout en passion.
« All maps welcome » nous annonce Tom McRae. A vrai dire, nous l’attendions depuis longtemps sur un terrain sociopolitique. Depuis sa dernière tournée où il criait son dégoût d’une politique anglaise et des ravages d’une mondialisation grandissante, le chanteur se positionne en artiste militant. En pleine guerre du golfe, agacé par les mensonges des gouvernements de coalition, il témoigne les soirs de concert de son exaspération. Quelques mois plus tard, sa résignation citoyenne se complique suite à une défaite amoureuse. Aussi, l’homme est parti loin cicatriser ses plaies. Elisant domicile à New-York, il parcourt l’Amérique latine à la recherche de sources de tranquillité et d’inspiration. Il s’installe quelques temps à Sao Paulo puis à Los Angeles. Dans une villa surplombant la ville des anges, il décide de poser ses valises pour enregistrer son troisième album.
Entouré de ses fidèles musiciens, Oliver Kraus au violoncelle et Olli Cunningham au piano, avec lesquels il joue dans son actuel tour promotionnel, et de la section rythmique qui accompagne Beck, Tom McRae revient à des ambiances d’une profondeur abyssale où la sensibilité côtoie la volupté. Dans une démarche proche des deux précédents albums, All maps welcome fait la part belle aux mélodies mélancoliques et aux déchirements intérieurs que les mots de l’anglais explorent sans retenue. Une écriture élégiaque aussi délicate qu’incisive qui puise son impulsion sur le terrain des défaites amoureuses. Sur les cendres encore chaudes d’un couple en plein désarroi l’auteur pointe sa plume sur ce qui fait mal et, comme un être à la dérive, erre dans les rues d’une ville dont la terre se dérobe sous ses pieds. Des mots comme “I’m packing for the crash sudden pressure we fall through the floor” chantés sur « Packing for the crash », “Sunlight beats down hard here count the cracks in the ground and we sleep through days of flood and fire” sur « Hummingbird song » ou “Shoot the lights out all over this town…voice like a knife warns me…the city tonight is on fire” sur « Silent boulevard » sont le parfait exemple d’un être inquiet sur le devenir d’un monde en crise.
Pour Tom, les blessures au sein d’un couple ou dans la société sont étroitement liées, les unes se nourrissant des autres. Et si l’album s’appelle All maps welcome ce n’est pas un hasard. L’auteur aborde en souterrain des questions identitaires et géopolitiques dont plusieurs titres y font référence : « How the west was won », « Strangest land », « Silent boulevard » ou encore « Border song », déjà repérés sur la compilation War Child.
Coincé entre l’intimité du premier album et l’éclat lumineux de Just Like Blood, All maps welcome garde la profondeur et la densité de ses précédentes productions tout en optant pour une lumière tamisée, plus proche du clair-obscur de ses premiers pas. Que les chansons évoquent les relations amoureuses, l’absence ou les conflits urbains, plus le sujet est délicat plus l’ambiance est orageuse. Plus la douleur est perceptible, plus l’orchestration est tendue, d’une beauté foudroyante. Cette intensité se ressent dans la voix du jeune homme sur des chansons comme « The girl who falls down stairs » ou « Silent boulevard » qui augmente crescendo jusqu’à devenir un cri de colère. Décidé à libérer toutes les tensions accumulées, le new-yorkais d’adoption déverse sa bile sur un malaise aigu pour apaiser ses nerfs. Et nous, spectateurs de sa chute, nous nous délectons de la détresse d’un homme qui n’a jamais aussi bien chanter son désespoir, seul remède à la souffrance.
L’album se ferme sur des paroles terrifiantes de signification. Pour Tom McRae, la résignation semble être le destin fatidique des années à venir, “You can climb but you will fall and I guess I’ve said it all” dit-il sur « Border song ». Aussi, afin de croire encore à un engagement humain, l’anglais en appelle au monde sur All maps welcome. Il serait dommage de ne pas soutenir un artiste qui depuis six ans construit une oeuvre organique et passionnelle.
-Le site de Tom McRae