Près de trois ans après le pavé « The Sophtware Slump », les ZZTop du rock indé refont parler d’eux. Une éternité pour ceux qui connaissent la valeur émotionnelle de ce groupe définivement en marge sur l’échiquier rock actuel.


Vers la seconde moitié des années 90, une poignée de groupes américains sont apparus, prônant une vision à la fois « spectorienne » et expérimental de ce que devait être le format pop song : arrangements « cathédralesque », voix déchirée, compositions épiques dépassant de loin le standart 4/4 du rock… à la limite du pompeux parfois, ces groupes là avaient réussi à redonner de l’ambition à un genre devenu moribond.
Parmi cette mouvance, trois albums ont émergé du lot et sont devenus depuis de véritables classiques : Deserter’s Song de Mercury Rev, The Soft Bulletin des Flaming Lips et enfin le Sophtware Slump de qui vous savez (on pourrait aussi parler des chef d’oeuvre Summer Teeth et Ok Computer, voir les Delgados, mais les premiers cités sont les plus cohérent dans cet esprit).

Un léger détail démarque cependant les résidents de Modesto de la meute : Sur The Sophtware Slump, Grandaddy parvenait à sonner aussi colossal que ses frères d’arme avec des moyens tout à fait rudimentaires.

« La grandeur du minimalisme » est l’expression qui définit parfaitement la musique de ce groupe de barbouzes. A grands coups de synthés cheap, Jason Lytle parvenait à faire sonner monumentalement ses chansons enregistrées dans son studio-garage de Modesto : « He’s Simple, He’s Dumb, He’s the Pilot », « The Crystal Lake », « Jed’s Other Poem (Beautiful Ground) »… une avalanche de spleen aérien qui enfonçait à plate couture la concurrence. Enfin, un concert phénoménal à la Maroquinerie il y a plus de deux ans avait fini de me convertir à leur cause.

Pourtant, rien ne laissait présager d’un tel tour de force de la part de rockers venu d’un bled perdu, auteur d’une première galette digne de Pavement et consorts (Under The Western Freeway, 1997) et à mille lieux du gigantisme de l’oeuvre suivante. Pour finir, leur look très « bucheron des steppes » affichait un total contraste avec la beauté de leur répertoire. En quelques mots et pour terminer cette dérivation : Modesto, petit trou paumé au fin fond de la Californie venait de se surpasser définitivement en enfantant un grand groupe. Le successeur était donc attendu de pied ferme.

Modesto + Grandaddy = modeste Sumday

La première écoute de Sumday laisse une opinion mitigée, l’impression d’avoir affaire à une succession de chansons qui possèdent toutes la même texture sonore : nappes de violons synthétiques, quelques guitares lo-fie et la voix particulière de Jason Lytle. L’ensemble rappelle fortement leur cover du « Revolution » des Beatles sur la BO tribute « I am Sam ».

Et puis on y revient petit à petit, on se surprend, on remarque quelques passages qu’on avait inconsciemment zappé. On se dit que finalement c’est pas si mal, mais c’est tout simplement moins ambitieux que le pavé précédent. Enregistré à la bonne franquette dans le studio garage de Modesto, soit dans les même conditions qu’auparavant, on sent vraiment que le groupe n’a pas voulu jouer la carte de la surenchère et voulu rester fidèle à lui même.

Le ton déchiré de l’opus précédent laisse place à une mélancolie assumée, voir ironique. L’ensemble est définitivement plus joyeux, Jason Lytle se moque même de sa condition misérable de « songwriter rock de génie ».
Aucune chanson n’est faible ni même désagréable – « Lost on Yer Merry Way » est un sacré morceau tout de même. Le seul problème est qu’on aurait tendance à chercher le titre qui tue, en vain. Pas la peine donc de traquer un « Laughing Stock », « Chrystal Lake » ou un « AM 180 » bis, ce sera peine perdue.

Au final, Sumday reste sur un gentil album de rock lo-fie qui aurait malheureusement tendance à s’effacer face à son prédécesseur. Ce qui est dommage, car la qualité de l’ouvrage reste largement au-dessus des productions du même acabit. Grandaddy demeure victime de son illustre pavé tel le miséricordieux portant la croix.

Attachant malgré tout, il faudra certainement attendre quelques mois pour savoir si cet album perdure de par lui-même et non à l’ombre du maudit Sophtware Slump. « I’m on Stand Bye » qu’il disait. On l’espère de tout coeur.

-le site officiel des Grandaddy

-Le site de V2 France