Creuser et creuser encore ses abymes pour mieux remonter cette matière jusqu’à la lumière aveuglante…
Tout est écrit dans le titre de ce quatrième album de The War on Drugs : A Deeper Understanding est à considérer comme une “compréhension approfondie” des travaux précédents de la formation de Philadelphie. A savoir le superbe Lost In The Dream en 2014, disque charnière dans la carrière du groupe emmené par Adam Granduciel, qui leur a valu de signer sur la major Atlantic après trois albums sortis sur le label indépendant Secretly Canadian (Antony & The Johnsons, Bon Iver…).
Cette super promotion ne semble aucunement avoir perturbé les principes éthiques de Granduciel et de ses cinq compagnons, écartant d’emblée toute velléité si l’on en juge par la densité – voire l’épaisseur – sans concession de l’oeuvre aujourd’hui accomplie. Seul changement d’approche pour l’ami et ex guitariste de Kurt Vile, réputé solitaire et perfectionniste en studios, Granduciel concède cette fois avoir lâché la bride, pour convier ses musiciens à s’impliquer davantage dans le processus d’enregistrement, ceci dans le but de se rapprocher du son live du groupe. Une prise collective qui peut-être explique la longueur inédite de l’album (66 minutes).
Car il y a somme de détails à assimiler sur ce quatrième opus de The War on Drugs. Ce qui n’est pas forcément évident à déceler à sa première écoute, qui tendrait en apparence vers une suite logique, voire troublante de Lost In The Dream. Mais très vite, on comprend que A Deeper Understanding n’est pas une simple resucée de son prédécesseur. On pense toujours évidemment à Springsteen, Petty, le Oh Mercy de Dylan (sur ce dernier, la voix de Granduciel y étant pour beaucoup) mais ce consortium “classic rock” est comme transcendé par la matière sonore érigée, annihile tout aspect superficiel inhérent au genre ”adult rock”, pour creuser et creuser encore des nappes de claviers élégiaque, d’une beauté limpide et radieuse, à forte charge émotionnelle. On se rapproche davantage ici des panoramas sophistiquées de l’ambient/drone musique ou des effluves shoegazy que du Communiqué de Dires Straits.
Que ce soit sur le plan musicale ou des paroles, Adam Granduciel pousse un peu plus loin l’introspection. Une puissante mélancolie innerve ses nappes synthétiques, qui deviennent un véhicule vers un état de vague à l’âme envoûtant. D’où émerge notamment “Thinking of a Place”, étonnant premier single dévoilé en avril dernier durant le record store Day, une superbe fuite en avant de près de onze minutes dont on n’est pas déçu du voyage. « Holding On », ballade pop au spleen classieux, propice aux lâcher prise. Les grands moments sont légions encore durant cette odyssée sonique : citons pêle-mêle une percée de l’aurore sur “Clean Living”, “Nothing To Find” pépite à la rythmique enlevée, une guitare stratosphérique sur “Stranger Thing”, ou encore ce réverbéré “Pain” dont les paroles apaisées sur les cicatrices du passé, donnent leur titre à l’album.
Il faut prendre son temps pour appréhender cet étrange pavé synth rock, mais l’effort en vaut la chandelle. Un disque passionnant de bout en bout, qui qui n’a pas fini de révéler ses secrets.
Atlantic / Warner – 2017
Tracklisting :
- Up All Night 6:23
- Pain 5:30
- Holding On 5:50
- Strangest Thing 6:41
- Knocked Down 3:59
- Nothing to Find 6:10
- Thinking of a Place 11:10
- In Chains 7:20
- Clean Living 6:28
- You Don’t Have to Go 6:42