Les Nuits Botanique sont finies depuis bientôt une semaine. Si l’on en croit le nombre de concerts ayant affiché complet, cette édition a été un franc succès. Les dernières nuits furent tellement longues qu’une partie de la rédaction a eu beaucoup de mal à en effacer certaines traces (on vous passe les détails peu glorieux). Nous avons donc tardé à boucler ce dernier compte-rendu. Pour nous en excuser, nous publierons dans les prochains jours une troisième partie spéciale photos qui vaudra vraiment le coup d’oeil.
Jeudi 04/05
L’assistance du chapiteau est ce soir relativement jeune, chevelue et portant souvent un grand sac à dos, ces quelques détails nous laissent suggérer que nous assisterons à des concerts plutôt festifs. En ouverture, Debout Sur Le Zinc nous en fera une démonstration plus qu’animée, pour une sorte de ska survitaminé, ça a son petit effet, sur les amateurs du genre bien évidemment. Une dizaine de membres qui se déchaînent ne pouvait laisser indifférent, il y a de la légèreté dans l’air, et les mouvements de la masse seront synonymes d’un succès… Moins festif, mais avec plus de nuances et de sensibilité, Saule et les Pleureurs viennent ramasser un public à conquérir, il ne leur faudra pas longtemps pour y parvenir. Plus ce groupe avance, plus des détails viennent parfaire leur set, avec le leader sur qui toutes les attentions se portent, interpelant aux bons moments. C’est une bonne petite machine qui prend vraiment son ampleur sur scène. Mais bon, encore une fois, il faut accrocher au genre. Il faut leur reconnaître la faculté de mettre la banane ou parfois une tendre réflexion. Les Têtes Raides, une équipe bien nombreuse également, tout de noir vêtue pour une mise en scène sobre, mais efficace, principalement sous des lumières blanches. Le son est bien équilibré, avec une énergie plus rock que redoutée. Parfois leur force est centrée sur le contenu des textes, parfois pas du tout, et à ce moment l’accent est plutôt mis sur les atmosphères lourdes et pesantes ou au contraire décalées et dansantes… C’est assez déroutant dans l’ensemble, on essaiera donc d’en retenir les meilleurs instants.
Vendredi 05/05
Au Cirque Royal, c’est à un set de Final Fantasy bourré de dynamique classique que l’on a droit avant la dame An. FF n’est pas seulement un de nos chroniqueurs, c’est aussi le nom du projet de Owen Pallet, guitariste, violoniste et arrangeur canadien de The Arcade Fire, . Accompagné par un batteur sur quelques titres et par une asiatique en charge du visuel (des ombres chinoises d’une gaieté folle…), Owen Pallet arrive à donner véritablement envie de se procurer son CD au plus vite, tant on est charmé par tout ce qu’il arrive à faire avec son seul petit violon, qu’il utilise jusqu’à la corde, secondé par sa pédale à effets. An Pierlé débarque ensuite, accompagnée de son groupe White Velvet (batterie, deux guitares, basse, synthé) et du Mons Orchestre quintette. Ce dernier ne se fera finalement pas trop remarquer puisqu’il donne en fin de compte le même résultat que sur son dernier disque, où An Pierlé a introduit des arpèges. Ouvrant le set assise de manière ludique sur un ballon derrière son piano – elle enfilera également un accordéon sur deux titres – avec « Mud Stories », histoire de ne pas trop brusquer le public, An Pierlé sera très décontractée, avec quelques fous rires à la clé et un humour très bon enfant. En gros, les nouveaux titres respirent énormément en concert et on sent qu’il s’agit bel et bien de l’album de la maturité, même si cela signifie des comparaisons ad nauseum avec Kate Bush. On sent surtout un contraste entre les titres délurés du passé et la sérénité et la sagesse qui se dégagent de son dernier chef d’oeuvre. Bravissimo!
Dans la Rotonde, nous assistons à d’autres chapitres avec le Mons Orchestra, et pour commencer, une bonne petite découverte : Teitur. Ce Danois des Iles Feroe, à l’humour subtil et décalé, viendra seul d’abord, pour une petite ballade au piano, ensuite une autre à la guitare acoustique. Pour les suivantes, ce sera accompagné de l’orchestre qu’il racontera ses histoires de filles et de voyages. Des moments très délicats, avec ce petit quelque chose particulier qui rendra le personnage attachant. Parfois, face aux silences qui suivent ses interventions, il nous demandera si nous comprenons l’anglais. Encore un comique qui fait des chansons tristes… Pour clôturer la soirée, les pop-rock Sunday Drivers, pour la seconde année consécutive, mais cette fois avec cordes et cuivres. Les espagnols ont des mélodies bien efficaces, sucrées parfois au bord de l’écœurement tant ce point semble trop marqué. Même remarque que pour les autres groupes électriques ayant tenté l’exercice classique, il n’est pas toujours aisé de distinguer toutes les nuances des arrangements. Mais le caractère intimiste de cet endroit est effectivement propice à une proximité à l’avantage de tous.
Dans le Chapiteau, c’est la chance aux chansons. Zop Hop Op ouvre le bal avec la simplicité et la bonne humeur qu’on lui connaît. On l’a déjà vu oeuvrer pour Dominique A, Françoiz Breut ou Yann Tiersen, mais c’est pourtant un des artistes les plus sous-estimés de la scène belge. Hélas, ce n’est pas avec ce genre de prestations qu’il risque d’inverser la tendance. Si ces albums sont riches et variés, sur scène, il adopte un format rock qui manque cruellement d’originalité. Problème que l’on retrouvera également chez Dominique A. Venu présenter son dernier album L’Horizon, l’ex fameux Nantais se plaît comme à l’accoutumée à réorchestrer son répertoire. Accompagné d’un guitariste, d’un batteur-trompettiste, d’un saxophoniste, Dominique use de cette configuration pour teinter ses morceaux d’une couleur plus post-rock. La formule peine à faire mouche tant il y a ce petit air de déjà-entendu. Rares sont les moments où on retient son souffle. Il faut attendre sa relecture enragée d' »Antonia », « L’Horizon » et son magnifique final aux guitares aériennes sur un fond de tristes cuivres. En rappel, Dominique nous gratifie d’un imparable « Courage des Oiseaux » livré en version Bloc Party a-t-on envie de dire. A ce moment-là, on se dit qu’on l’a juste vu trop tôt dans sa tournée et qu’il faudra encore quelques dates pour que la machine soit bien huilée. Katerine clôt le bal avec son ton décalé. Si lui est vêtu d’un très sobre pantalon vert et d’une chemise rose, son groupe semble échapé d’une secte et délivre les succès du moniteur sur des airs rock tantôt groove, tantôt flamboyant, voire de temps en temps carrément punk. Le public est chaud comme une baraque à frites et il règne un air de fête foraine dans le chapiteau. On ne s’embête pas une seule seconde et lorsque vient le deuxième rappel où le groupe arrive dans leurs désormais célèbres tenues en lycra rose pour entamer un entêtant « J’adore », le public est aux anges.
Samedi 06/05
La faune de la soirée est assez typée, looks étranges et/ou originaux, c’est une chose assez commune et désormais entrée dans les mœurs locales lors de concerts électro, électro/rock ou rock de la hype du moment (éphémère?).
A l’Orangerie, I Am X vient remplir ses engagements de tête d’affiche. Chris Corner racontera qu’il n’est pas au mieux de sa forme: il a en effet annulé la plupart de sa promo de l’après-midi et réduit ses interventions pour mieux tenir la route ce soir. Le set gagne en puissance avec la présence du batteur et du guitariste. Nous émettrons quelques réserves quant à la justesse de la claviériste (qui n’était pas Sue Denim), qui mimait plus que jouait. On vous dirait que l’instrument n’était pas branché, on ne vous divulguerait pas un secret qui n’en est pas, beaucoup de parties sont préenregistrées. Certaines rumeurs prétendaient que le chant était parfois en play-back, mais il y a une marge que nous ne franchirons pas, nous avons quand même entendu des hésitations ou du sourire coincidant avec ce que nous voyions. Visuellement, toujours l’écran exposant quelques images habituelles. Musicalement, d’une teneur plus rock donc, l’orientation du nouvel album étant moins électro/minimaliste que le précédent. Au sortir, les avis sont partagés.
Pendant ce temps, le Chapiteau prend ses airs de discothèque. Pour assurer la transition avec les affiches plus rocks auxquelles il nous a habitués, c’est le groupe Hallo Kosmo de Daniel Offermann, plus connu comme bassiste des Girls In Hawaii, qui a pour mission de chauffer une audience plus que clairsemée. Ce bricolage accrocheur de hip-hop, d’électro et krautrock chanté en allemand est une grosse surprise. Daniel Offermann se montre très à l’aise sur scène en multipliant les déhanchements. Sa bonne humeur est communicative. On continue en allemand avec Das Bierbeben et son electro-rock binaire aux basses bien prononcées. Si on tombe rapidement sous le charme de ses deux candides chanteuses, musicalement, ce n’est vraiment pas transcendant. On dira la même chose des berlinois de T. Raumschmiere dont la pauvreté mélodique digne d’un Marilyn Manson en fait une sorte de version bon marché de Nine Inch Nails. Reste que le public semble adorer et transforme le chapiteau en véritable champ de bataille. Dans la vie de tous les jours, T. Raumschmiere est devenu une figure connue de la scène electro en se distinguant par ses remix de Goldfrapp et Dave Gahan. Enfin, arrive Vitalic, celui que tout le monde attendait. Dans une ambiance digne d’un stade de foot, la star se fait désirer en laissant passer quelques minutes avant d’entrer réellement en action. Là, le français réduit sa musique à sa plus simple expression en la transformant juste en vulgaire machine à beats assassins et rythmiques imparables. Jamais il ne parvient à jouer sur la variété de son excellent « OK Comboy ». Peu importe, le public ne s’en formalise pas et lorsque derrière ce déluge de basses, on décèle les petits bips de ce véritable hymne qu’est « La Rock 01 », il n’y a plus un endroit du chapiteau qui ne bouge pas. La fin du set s’annonce somptueuse pour le public belge que nous sommes. Vitalic nous gratifie d’un remix de « The Sound Of C » de Confetti’s, tube qui marqua l’âge d’or de la new beat belge. Et puis, Patatra… Une partie de son matériel ayant lâché, Vitalic se voit contraint d’écourter son set devant un public hésitant alors entre huées et applaudissements.
Dimanche 07/05
Dans l’Orangerie, c’est à un bien piètre concert auquel nous aura convié Howe Gelb… Autant en solitaire avec son piano, sa guitare et ses autres ustensiles ludiques, on excuse ses approximations et autres négligences, autant dans le cadre d’un concert avec une chorale (3 hommes et 6 femmes) et un groupe (basse, guitare, batterie), il ne rend franchement pas service à ses chansons. De plus, le son n’était vraiment pas à la hauteur. L’humour d’Howe Gelb ne rattrapera pas ce qui pouvait encore l’être. Quel dommage. Et puis cette reprise en rappel de « Happy days »… A un car de touristes passe encore, voire un pastiche de la pub pour Uncle ***, mais dans le cadre d’un festival! Allez Howe, on se resaisit maintenant hein!
Le Chapiteau nous propose une soirée féminine, pour tous les goûts, pour tous les âges, non dénuée de charme et de caractère. En premier lieu, Marie Warnant, pour un concert sans surprise, pour une présentation lissée, emballée avec un joli ruban, sans doute pour mieux offrir à la découverte des curieux qui ne connaîtraient pas encore. Un set bien propret, des interventions calculées,… Bref, le jeu de séduction usuel pour une ouverture de soirée lors d’un festival. La tant attendue Lio ne manquera pas de spontanéité, elle reste fidèle à son personnage, que nous découvrons ici sous ses aspects plus touchants et naturels, dirons-nous. Aussi bizarre que cela puisse paraître, en une vingtaine d’années de carrière, c’était sa première fois à Bruxelles. L’émotion qu’elle afficha n’était pas feinte, et ses morceaux introduits par quelques anecdotes nous prouvèrent qu’elle se sentait comme chez elle, ce qui doit être toujours un peu le cas, après tout. Le set est principalement axé sur les nouvelles chansons du dernier album Dites Au Prince Charmant, beaucoup de douceur, de sagesse et de beaux textes qu’on lui a écrits. Quelques chansons anciennes et inévitables se devaient de figurer au spectacle, notamment au rappel avec « Banana Split » et « Les Brunes ». Quelle sacrée femme! Olivia Ruiz, éternellement étiquetée « rescapée de la Star Ac' », qui a su bien s’entourer depuis, viendra mettre un point final à ces nuits, sur cette scène du moins. Un concert généralement entraînant, avec un assez bon groupe, qui n’hésitera pas à hausser le volume. Elle est parfois un peu dingo, un peu fragile, mais son discours sonne bien trop souvent préparé et minuté, dommage, car cela perd en authenticité et au bout du compte, c’est parfois lassant. Cela dit, cela semble tenir sur la longueur, mais cette programmation conviendrait certainement mieux aux Francofolies…
– Lire l’interview de Zop Hop Op.
– Lire la chronique de Has A Good Home de Final Fantasy
– Lire la chronique de L’horizon de Dominique A
– Lire la chronique de Kiss + Swallow de I Am X
– Lire la chronique de Sno Angel de Howe Gelb