Quatre paysagistes s’adonnent, à 14 ans d’intervalle, à une expérimentation sonore dans les sous-sols de la cité de la musique.
Ce que l’on désigne par le terme générique d’art sonore n’hésite pas, et ce depuis un siècle, d’élargir nos capacités d’écoute ainsi que d’investir, de complexifier nos rapports entre le son et son lieu. Ce n’est donc pas un hasard si des musiciens comme Eric La Casa, Jean-Luc Guionnet, Philip Samartzis et Dan Warburton se retrouvent dans un espace aussi atypique qu’un parking pour enregistrer deux sessions improvisées et ce, à quatorze années d’intervalle. Ces enregistrements font d’ailleurs partie de la « collection Paris » d’Eric La Casa édité par Swarming depuis 2017.
La première session, qui réunit tout le monde le 7 mai 2007, se déroule dans le parking du parc de la Villette à Paris, et dont les barrières avaient déjà fait l’objet d’un album, Barrières Mobiles, sorti l’année dernière). Le parking, qui se trouve juste en dessous de la Cité de la Musique, fait l’objet des captations sonores directes et sont mises en dialogue avec des instruments comme le violon ou encore le saxophone. Les musiciens n’hésitent pas à exploiter le potentiel acoustique des lieux et de la manière dont les différentes sonorités des instruments investissent l’espace qui, en retour, façonne la qualité acoustique de leurs médiums.
Le choix d’un parking en dessous de la Cité de la Musique se justifie dans le lien symbolique qui se fait entre une telle expérimentation sonore et un lieu dédié à l’histoire de la musique ; or ce lien se concrétise aussi physiquement quand on entend un des musiciens (Eric La Casa?) demander à un responsable (un vigile?) par téléphone d’« envoyer la musique ».
A partir de là s’introduit, dans l’enceinte du parking, une musique symphonique classique (une valse?) qui entre en tension avec celle improvisée, tout en se modelant selon l’espace acoustique si spécifique du parking ; tantôt lointaine en fond tantôt avançant vers le devant de la scène, elle devient un outil efficace pour dessiner les contours de l’environnement physique et sonore des musiciens dont le jeu résonne dans un dialogue ouvert entre le passé et le contemporain de la musique.
La deuxième session d’improvisation est un montage de deux enregistrements qui ont lieu dans deux espaces distincts, à savoir le parking de la rue des Maronites à Paris (20e arrondissement) par Eric La Casa, et celui de Victoria Gardens à Melbourne (Australie), avec Philip Samartzis durant la période du Covid-19. La fréquentation de ces espaces étant arrêtée subitement, le vide qui s’y installe devient plus palpable et devient l’intérêt principal des captations des éléments des infrastructures comme le bruits de néons, des tuyaux de réfrigération ainsi que les guichets de paiement, dont la musicalité souterraine se trouve exacerbée et amplifiée.
On est interpelé, en tant qu’auditeur, par le contraste qui s’y déploie avec la session de 2007, où l’espace acoustique compartimenté du parking change de fonction, passant d’un dispositif spécifique à la matière même de l’enregistrement, le confinement général influant sans surprise sur la manière même de composer et d’improviser. Si, avec Parking 2, le travail minutieux de La Casa et Samartzis permet de suggérer une expérimentation sonore qui travaille avec ces différentes limites imposées, qu’elles relèvent du physique, du social ou de l’administratif, il permet d’éclairer, à travers la mise en parallèle avec la session improvisée qui a lieu pourtant une dizaine d’années auparavant, le façonnement d’un espace par l’usage, par la fréquentation, tout ceci révélé par l’expérience et l’exercice sonore.
Swarming – 2024
Tracklist :
- Parking La Villette 1 (29:07)
- Parking La Villette 2 (26:27)
- Parking 2 – a (16:51)
- Parking 2 – b (11:04)