Doucement mais sûrement, Tim Howard se fait un nom en France, et une place au soleil des meilleurs folkeux de sa génération.
Rendons hommage à nos confrères de POPnews sans l’obstination de qui Soltero serait resté totalement méconnu dans nos contrées. En effet, cela fait déjà quelques temps qu’ils défendent ardemment Tim Howard, et voilà enfin que son cinquième album, You’re No Dream, bénéficie des avantages d’une distribution digne de ce nom en France. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il eût été regrettable de passer à côté de ce sacré bonhomme.
D’obédience folk fruste et mélodieuse, comme en transpirent des petits génies tels Damien Jurado ou Howe Gelb, la musique de Soltero propose un voyage à ras du sol dans les déserts démographiques des Etats-Unis. Arrangements squelettiques, rythmique resserrée sur le haut du manche d’une six-cordes en apnée, voix distanciée et légèrement détachée, la description peut faire fuir. Pourtant, il réside chez Soltero un petit brin de folie qui rend l’entreprise paradoxalement très accueillante : qu’il s’agisse de mélodies venteuses, de petit bruitages iconoclastes, ou de refrains diablement addictifs, on trouvera toujours quelque chose chez Soltero pour ne pas en sortir les mains vides. Mieux que ça, les écoutes successives et attentives, comme chez le boss de Giant Sand, procurent une vraie jouissance dans le jeu qui consiste à identifier ces précieuses et multiples sources de plaisir.
Contrairement à son remarqué quatrième album, Hell Train, You’re No Dream a été (quasi) intégralement réalisé par le songwriter lui-même, ce qui procure cet effet de dessication. Pour autant, Tim Howard ne lésine pas sur les instruments, entre orgues divers, guitares branchées ou non, violons grinçants, clochettes ou boîte à rythmes, usant d’une palette instrumentale qui le rapproche d’un autre doux dingue (en moins poétique, toutefois), Luke Temple. Plutôt que de profiter de tous ces jouets à la moindre occasion, l’américain préfère ventiler ses trouvailles et saupoudrer ses lentes mélopées ou, au contraire, ses brûlots de poche de petits rajouts toujours idéalement dosés, parfois utilisés avec avarice, de manière à provoquer chez l’auditeur plus le manque que l’envie. Ingénieuse façon de procéder qui pousse à revenir sur ce disque de peu, bancal mais terriblement inventif.
Et ce n’est finalement qu’au prix de ces multiples écoutes que l’on saisit ce qui, d’emblée, nous avait paru délicieux sur ce disque : ici une guitare qui gambade, là une percussion non identifiée (une cuillère en bois sur une casserole pleine de riz ? si ça se trouve), plus loin des harmonies vocales bricolées on ne sait trop comment, souvent des refrains en accroche-coeur, ou encore une trompette délicate qui dépose son souffle dans un coin de chanson. Sur chacun des douze titres, ce petit plus ingénieux et charmeur met en exergue un humour évident et décalé. Et se révèle ainsi, de fil en aiguille, un album bien plus profond qu’il en a l’air, et surtout particulièrement charnel. Et qui a la très bonne idée de se conclure sur “Lemon Car”, un titre aussi léger qu’une poignée de foin abandonnée en pâture au courant d’air chaud qui traverse ce disque définitivement précieux.
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