Écouter Coltrane réédité. Celui des débuts, du lyrisme échevelé, celui d’après Thelonious Monk et d’avant Giant Steps (1959), du bebop finissant et du hard-bop fleurissant. Déjà un souffle qui ne s’embarrasse pas de limites ni de mesures rigides, une tendance à évoluer dans le registre du suraigu, une propension au placement peu académique, une tessiture reconnaissable entre toutes et une puissance sonore à tout rompre. Dakar, donc, premier contrat officiel signé chez le label Prestige en tant que leader, premier disque enregistré au Rudy Van Gelder studio (Hackensack), le 20 avril 1957, sans que le saxophoniste ne soit d’ailleurs d’emblée crédité en haut de l’affiche — comme pour Mating Call, d’abord sorti en 1956 sous le nom du pianiste Tadd Dameron, il faudra en effet une réédition en 1963 pour que cette place lui revienne officiellement. Autour de Coltrane, des musiciens respectés et d’abord consacrés ensemble dans le cadre du Modern Jazz Survey : le pianiste Mal Waldron, deux saxophonistes barytons, Cecil Payne et Pepper Adams, le contrebassiste Doug Watkins et le batteur Art Taylor. Un minimum de prises, une seule le plus souvent, afin de conserver sur bandes l’urgence, l’allégresse et la spontanéité du moment, voire les accidents (certains couacs, dont celui, célèbre, de Cecil Payne à la fin de “Cat Walk”). Trois morceaux signés Teddy Charles (qui a en outre supervisé et produit l’album), deux de Pepper Adams et un de Mal Waldron laissent entendre une émulation collective réjouissante, plutôt qu’un terrain d’innovations sonores partagé. Au centre des préoccupations d’un Coltrane déjà en quête de ses racines, l’Afrique, celle qui infuse au travers de polyrythmies discrètes ou de blues originels exécutés avec conviction (“Mary’s Blues”, “Velvet Scene”). Avant la révolution free et les incantations mystiques, entre les notes et dans leur flux, la naissance d’un génie.
– Le site de Prestige