Retour en trio pour le latino suédois José González, avec une riche récolte de folksongs atmosphériques, arrosées de mélodies d’une limpidité complexe et pénétrante.
Cinq années se sont écoulées depuis la première trace discographique de Junip, projet du suédois José González. Cinq années, plus exactement, depuis le mini album Black Refuge EP, où le guitariste de sang argentin tentait, sous sa nouvelle réincarnation musicale en trio, de se remettre en question artistiquement après le beau et ascétique Veneer (2003, distribué en 2005 en France), premier album solo salué par la critique. Sous son propre nom, son jeu de guitare sol(it)aire faisait montre d’une correspondance épistolaire entre rythmiques virtuoses et mélodies opalescentes. Aussi, on ne fut guère surpris par la tournure ascendante de sa carrière, lorsque sa belle reprise de “Heartbeats” (empruntée au duo electro The Knife) fut récupérée pour la publicité d’une grande firme emballée…
En dépit du succès lui souriant, le discret suédois avait déjà en tête de remonter Junip, son trio universitaire formé en 2000, empruntant par là le parcours inverse de bons nombres de jeunes musiciens de rock évoluant vers une carrière… solo. Une trajectoire inhabituelle, d’autant que les « graines » (Fields) auront mis du temps à faire éclore ce premier album. Mais, d’un point de vue stratégique, José González a raisonnablement fait le bon choix de persévérer, surtout en regard d’In Our Nature (2007) où sa formule asymétrique guitare/voix commençait à marquer ses limites. En concédant son nom au profit du groupe, José González opte sagement pour la raison artistique, et c’est tout à son honneur.
Le résultat est là, le prodige de la six-cordes nylon signant avec Fields un album dense, et certainement son plus cohérent, toutes directions musicales confondues. La collaboration fructueuse entre ses vieux camarades Elias Arya (batteur, responsable également des belles pochettes depuis Veneer) et Tobias Winterkorn (l’homme aux « clés », orgue et synthétiseur Moog) élargit incontestablement son horizon folk très calculé. Si, rétrospectivement, les fondations sonores étaient déjà posées depuis le Black Refugee EP, l’écriture et la perspective atmosphérique des morceaux se sont encore considérablement étoffées. En vedette désignée d’office, la six-cordes géométrique de Gonzalez pourrait aisément tirer la couverture à elle, mais il n’en est rien. Chaque musicien avance dans la même direction et dans un parfait nivellement harmonieux, avec pour seul dessein de servir au mieux les compositions.
Sur le plan auditif, on ne peut cacher que l’écoute au casque de Fields intrigue beaucoup. Dans un premier temps, la production serait Lo-Fi à s’y méprendre, avec ces micros tirant trop dans les basses dès « In Every Direction ». Paradoxalement, ces légers bourdons confèrent à l’album un relief lunaire particulier et restituant le panel de nuances sonores de chaque instrument, notamment les parties de clavier minérales, formidables de justesse éthérée. L’impulsion rythmique joue également un rôle prépondérant dans ce fondu, à tel point qu’elle nous renvoie parfois à l’architecture d’un Mezzanine de Massive Attack dérivé en version acoustique, notamment sur “Sweat & Bitter”. En conclusion de l’album, “Tide”, développe encore de nouveaux champs d’investigation, lors d’une impressionnante ascension instrumentale de plus de six minutes où une distorsion aliénante trouble cette imposante sarabande. Le guitariste, réputé si posé, ne nous avait pas habitués à une humeur si vénéneuse. José González, désormais âgé de 32 ans, engage, sur ce premier album collectif, une passionnante suite à ses folksongs de chambre, et semble être désormais passé au salon. Fields est en tout point une réussite.
– Lire également notre entretien avec José Gonzalez
– Site [officiel->
http://junip.net/
]